2020/03/06 - Entretien - Chemin de croix


G.M./ Dans son appel aux fidèles, le cardinal nous propose de vivre le chemin de croix. On a tous eu l'occasion d'y participer, le vendredi saint, mais il est souvent plus rare de le vivre "en privé". Père Rémy, pourriez vous nous expliquer un peux plus en quoi consiste cette exercice de piété et son histoire. 


Nous connaissons bien cette tradition catholique qui relève de la piété populaire. Le chemin de croix est pratiqué dans l'Eglise catholique depuis moyen âge. Pratiquement toutes les églises ont accrochées sur leurs murs les représentations des quatorze stations qui la composent. 


Il y a aussi des représentations grandeur nature en plein-air, on les appelle calvaires. Le nom vient du mot latin calvaria, qui est un autre nom du lieu de Crucifixion, Golgotha. Golgotha en hébreu, ou  en latin Calvaria veut dire lieu du crâne, probablement à cause de la forme du rocher  s'y trouvant.


La tradition remonte pratiquement aux origines du christianisme, dès que cela a été  possible. Ainsi, depuis la paix de Constantin en 313, les foules de chrétiens ont voulu chaque année se trouver à Jérusalem durant les jours précédents la Pâque pour refaire le chemin de Jésus; chemin qui l'avait conduit au Golgotha et la crucifixion. Mais on ne s'arrêtait pas là, car par la même occasion, on venait pour célébrer la Pâque du ressuscité et la leur bien entendu.


La tradition du chemin de croix que nous connaissons remonte au XIV siècle. Elle est due aux franciscains qui sont devenus gardiens des lieux saints. Ils dirigeaient des exercices spirituels des pèlerins sur Via Dolorosa. C'est alors que leur est venue l'idée de transposer cela pour tous les chrétiens où que ceux-ci se trouvent. 


Le nombre des étapes, appelées stations, varia jusqu'au XVIII siècle. Il fut alors fixé à quatorze. Actuellement, souvent on ajoute la quinzième, celle de la résurrection. Ceci peut avoir son sens en dehors de Carême, lorsque par exemple les pèlerins viennent à Lourdes ou à d'autres lieux de pèlerinages et où se trouvent des calvaires.


G/ Merci père pour ces explications sur l'histoire du chemin de croix. Alors voilà si a mon tour je souhaite vivre ce chemin de croix, que me conseillez vous? Quelle attitude adopter ? pour quels fruits?


Si dans le cadre de cette piété populaire, on est invité à parcourir la passion du Christ, c'est pour mesurer ce que Jésus a fait pour nous par pur amour.  


Dans cette méditation qui prend aux tripes, n'allons pas trop vite.  Un chemin de croix, cela dure, et il est bon de prendre du temps pour se concentrer sur ce chemin et ce qui s’y passe pour Jésus et pour nous.


Goûtons à la passion du Christ, goûtons à ce qu'elle a en propre. L'œuvre du salut s'accomplit devant nos yeux, car dans nos vies. C'est pour nous, chacun individuellement, qu'il a subi tant d'outrages.


C'est bon de ne pas anticiper tout de suite par l'évocation de  la résurrection. Celle-ci sera célébrée en grande solennité le jour de Pâques et durant toute l'octave, donc pendant 8 jours d'affilée.


Mais durant le Carême, personnellement, je ne trouve pas indispensable d’ajouter cette quinzième station. Car de toutes les façons l'ensemble du chemin de croix conduit à la mort sur la croix et  à la résurrection. 


Faire dans une telle retenue, à mon sens, aide à se concentrer sur deux choses :

- sur l'oeuvre du salut en Jésus Christ mort sur la croix

- sur notre condition humaine et notre désir d'accueillir le salut aux moyens de tels exercices spirituels ou semblables.


G/ Concrètement, comment faire?


Soit se rendre dans une église,  à Hong Kong elles demeurent ouvertes, c'est une bonne manière de ne pas oublier le chemin de l'Eglise à cause de l'interdiction de célébrer les messes publiques.

Soit le faire chez soi.


Quand ? vendredi idéalement à 15 h, l'heure de la passion du Christ, mais souvent c'est impossible à cause des obligations professionnelles ou familiales, donc quand on peut. 


Presque toutes les stations évoquent les scènes connues dans les évangiles, mais certaines comme la scène où Jésus rencontre Véronique, viennent comme développement "logique" dans la mesure où ceci ne contredit pas le sens du message contenu dans les Evangiles.


Mais, il n'y a pas que le Chemin de Croix comme moyen de vivre la Passion du Christ*. Chaque vendredi de Carême on vous proposera  une méditation sur le chemin de croix sous différentes formes. Toujours pour rester  dans le thème de la méditation sur la passion du Christ. 


Faire le chemin de croix, c’est utile pour l’approfondissement spirituel de notre foi. Il est à vivre tout seul ou a plusieurs, mais toujours en lien avec la communauté et l'Église dans son ensemble.  


Un tel exercice est pour nous aider à vivre la véritable conversion, la seule condition pour accueillir dans la joie véritable la Bonne Nouvelle de Pâques.


*Par exemple en Pologne, en plus du traditionnel Chemin de Croix tous les vendredis dans l'église ou à l'extérieur, les fidèles se rassemblent à l'Église dimanche après-midi pour chanter les Lamentations (tout au moins c'était ainsi à l'époque où j'y étais).  C'est un ensemble des textes  sous forme de dialogues qui permettent de suivre Jésus lors de sa Passion. 


La place de Marie y est très importante et par le style de l'écriture, chacun est invité à s'identifier avec les personnages de la Passion. Cela permet d'éviter de suivre Jésus dans sa passion, en y engageant certes sa sensibilité, mais en risquant de rester à l'extérieur. Avec les lamentations ce n'est quasiment plus possible.