2015 - Article - JOURNEES des communautés catholiques francophones d’Asie (17-20 mars)

 

I.    HEUREUSE RENCONTRE


En mars dernier  des représentants, prêtres et laïcs, d’une douzaine de communautés francophones d’Asie -sur une vingtaine de recensées- se sont retrouvés à Hong Kong pour des journées pastorales. L’idée a germé dans les têtes des responsables chargés de coordonner la vie des communautés catholiques francophones (CCF) auprès de la Conférence des Evêques de France (CEF). Le choix de Hong Kong s’est imposé pour des raisons pratiques : la situation géographique et la possibilité  d’organisation. Ce fut une première, tout au moins sous cette forme, car il y a plus de dix ans un rassemblement semblable, celui des aumôniers des Missions Etrangères de Paris (MEP)  en charge et/ou en lien avec des communautés francophones d’Asie s’est tenu également à Hong Kong, mais sous une forme interne à cette société missionnaire. Donc cette fois-ci, tout en nous appuyant sur leur expérience, nous avons pu vivre  en communauté locale qui a organisé un tel événement, une riche expérience pastorale collective et spirituelle individuelle. 


L’objectif en était double,  d’une part permettre le partage d’expérience et envisager l’avenir ; d’autre part,  dans la perspective des Assises Mondiales à Paris, fin août (26-28), rendre visibles les activités pastorales aux yeux de notre tutelle en France qui a la charge des orientations à venir.  La présence de Mgr Cattenoz en qualité de représentant de la CEF auprès des CCF est un signe visible du lien et de l’intérêt de l’Eglise de France porté sur la vie de plus de cent vingt communautés catholiques réparties de par le monde. Ce qui correspond à un gros diocèse pour deux à trois millions de francophones dont  la plupart se trouvent en Europe, mais depuis plusieurs années ceux-ci sont de plus en plus nombreux en Asie.   En effet, ce phénomène est dû au dynamisme économique des villes asiatiques et de la nécessaire implantation des francophones à titre économique, culturel ou humanitaire.

Le rassemblement était articulé autour de plusieurs axes visant à trouver le bon équilibre entre prière qui ponctuait la journée, convivialité, enseignement et échanges. Les participants furent logés dans les murs de Canossian house, une maison tenue par des religieuses qui y organisent et accueillent des retraites spirituelles.  Ainsi les matinées furent consacrées aux temps forts sous forme de conférences et échanges. Les après-midi étant destinés à la découverte sous forme de visites culturelles  et surtout d’un pèlerinage sur les pas d’un missionnaire autrichien,  saint Joseph Freinademetz (1852-1908) dont la tombe se trouve sur l’île de Yim Tsin Tsai, sous le patronage duquel ces journées ont été placées. Si entre 40 à 50 personnes participaient à la plupart de ces activités, nous étions bien plus nombreux pour la messe célébrée le 19 mars en l’honneur de St Joseph dans l’église Notre Dame de Mont Carmel de l’Ile de Hong Kong en lien avec l’Eglise catholique du diocèse représentée au nom du cardinal Tong par un de ses évêques auxiliaires.

Lors des échanges nous avons pu apprécier la grande diversité dans la vie des communautés en Asie. Si pour la plupart, elles sont en croissance constante, atteignant une  taille importante  comme par exemple celles de Shanghai, Hong Kong, Singapour etc.,   avec plusieurs centaines de fidèles réunis à la messe hebdomadaire, certaines comme à New Dehli cherchent leur premier ou second souffle en se structurant de façon adaptée aux besoins croissants. « Les « grosses » CCF proposent une panoplie des services pastoraux habituels d’une paroisse française et également des initiatives d’évangélisation ou de ré-évangélisation, alors que les « petites »  font avec les moyens du bord, s’appuyant sur l’engagement fort d’un petit  noyau dur1. »  Souvent, en plus de la pastorale sacramentelle et catéchétique, sont proposés des groupes de prière, de formation,  de partage et de réflexion dans des domaines aussi variés que les groupes biblique de Lectio Divina ou autres,  de Louange dans l’esprit du renouveau,  la Prière de mère, le Parcours Alpha , parcours Zachée ou encore EDC et Equipes Notre-Dame, les Foyer Tandem, sans oublier le différentes formes de scoutisme. La triple dimension de l’Eglise : Croire, Vivre (charité) Célébrer est partout rendue visible et ceci par la générosité de ses membres sensibles à la beauté de l’appel de Dieu et à la bonté divine à communiquer.


II. Plusieurs défis se présentent devant toutes ces communautés


1° La langue

Dans les différents échanges ressort une question fondamentale, à savoir comment vivre  la foi chrétienne dans un contexte surtout d’expatriation économique, mais parfois culturelle voire politique (les réfugiés) ? Beaucoup ont fait l’expérience d’un choc avec les cultures locales.  Mais dans l’ensemble, cela ne les empêche pas de vivre leur foi, bien au contraire. Dans l’ensemble, le profil est plus pratiquant qu’en France. Est-ce uniquement dû au fait qu’ils viennent  en grande partie des milieux catholiques plutôt marqués par la pratique religieuse et issus pour un nombre important des écoles catholiques et/ou mouvements de jeunes comme le scoutisme, voire de  mouvements  du renouveau charismatique ?  Souvent déjà bien formés sur le plan religieux, ils apportent du dynamisme aux communautés qui ainsi attirent des hésitants. Les assemblées dominicales sont très marquées par la présence de la population jeune, peu de la génération de grands parents, ou alors lorsqu’ils sont en visite. Le nombre d’enfants au catéchisme ferait, au dire de Mgr Cattenoz, «  baver d’envie  plus d’un prêtre en France ». La question de la langue maternelle se pose. Si pour les catholiques affirmés dans leur foi l’intégration dans les communautés locales linguistiques, ou déjà internationales en anglais ne pose pas de problème, ceci devient un véritable défi pour les expatriés de courte durée, dont les enfants et leurs parents ne peuvent se retrouver que dans leur langue maternelle. Ainsi nombreux sont ceux qui à la faveur d’un sacrement, ou d’une belle rencontre reprennent leur parcours de foi dans la langue maternelle ;  plusieurs services sont proposés pour les accompagner.

2° Le lieu

Pour la plupart, les communautés catholiques sont en situation précaire quant aux lieux de rassemblement. Où se réunir pour prier, pour célébrer les sacrements, faire de la catéchèse etc. ? « Souvent nous louons  une chapelle pour la messe de dimanche, en intégrant les contraintes de nos hôtes. » La catéchèse se tient dans les lieux divers ; chez les parents ou catéchistes, dans les locaux des établissements scolaires qui le veulent bien, dans les salles paroissiales etc. Les aumôniers trouvent des arrangements locaux pour se faire loger. Souvent la distance entre le lieu d’habitat et le lieu de rassemblement fait obstacle à la  participation. Par exemple la superficie de Hong Kong est de 1.104 km², les francophones se trouvant dans tout le territoire.

3° Les liens avec la réalité locale.

Nous sommes conscients  de l’insuffisance de notre lien établi avec l’Eglise locale  déjà pour des raisons de barrière de langue et culturelle, mais également parfois à cause du manque d’occasions voire d’intérêt de part et d’autre. A cet égard, les communautés catholiques sont davantage préoccupées par la construction  et la mise en place de structures internes. Et,  de ce point de vue, elles se trouvent dans une situation similaire à celles de certaines communautés chrétiennes protestantes en forte croissance internes,  peu intéressées par les relations œcuméniques. « Certes, in fine ces liens se construisent mais nécessitent un engagement patient et des compatriotes présents dans la durée.  Certaines cultures locales sont bienveillantes, d’autres, indifférentes, d’autres encore hostiles. Les établissements scolaires accueillent ou non nos activités, ce qui a une incidence directe sur le catéchisme  notamment. Nous retrouvons  les biais du laïcisme  à la française, avec ses interprètes  plus ou moins chevronnés selon les tropiques. » 

4° Présence d’un pasteur

Le statut, la place et l’engagement d’aumôniers dans la communauté varient d’un endroit à l’autre. Si certains sont employés en bonne et due  forme par l’évêque local, d’autres ne savent pas très bien quel est leur statut et comment nouer le lien avec l’église locale pour se faire reconnaître et faire reconnaître l’existence de la communauté dont ils s’occupent. « Quand l’aumônier est présent cela conduit à une fondation réelle et un développement cohérent…. il légitime les laïcs dans leur appel et les envoie en mission. Du fait de son expérience pastorale, il contribue effectivement  à fonder et structurer  la communauté. Il développe une vision pastorale qui offre cohérence, dynamisme et ouverture. Il accueille les » périphéries » et veille à y associer les fidèles. Il s’inquiète de donner des clefs de lecture de l’environnement ecclésial local pour que les passerelles se mettent en place… Il accueille les personnes ou couples en détresse ».


III. SUITE ?


Les journées ont fait apparaître une grande dynamique des communautés et une forte implication des laïcs. Mais un grand besoin de formation se pose, et ceci malgré celle déjà obtenue par certains en France essentiellement. Formation qui cependant n’est pas suffisante pour couvrir un si large spectre de besoins. Les différentes formes internes et externes de soutien aux communautés sont à envisager, certaines pourraient être mises en place très rapidement.

Le soutien de la part de CEF semble une heureuse nécessité : sous forme d’envoi de prêtres, sous forme de soutien « logistique »  faisant le pont entre l’Eglise de France et l’Eglise locale où la communauté catholique francophone  est établie… 

La nécessité de mieux communiquer entre les communautés d’Asie et avec CEF pour échanger sur les pratiques fait partie de projets qui se dessinent à la suite de ses journées. Ceci peut prendre la forme d’une sorte de coordination à l’échelle du continent asiatique et de l’Océanie. La périodicité de tous les deux ans  semble obtenir le consensus de tous les participants.


Rémy KUROWSKI Sac, aumônier de la communauté de Hong Kong




1 Les citations sont extraites du rapport final des Journées rédigé par David GUILLON