2010/03/21 - Conférence "LA LETTRE AUX FEMMES DE JEAN-PAUL II - Quelques aspects théologiques"

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Issy-les-Moulineaux.
Rémy Kurowski, SAC


1. Identité du texte :

Lettre apostolique Mulieris dignitatem
du souverain pontife Jean-Paul II
sur la dignité et la vocation de la femme
à l’occasion de l’année mariale
15 août 1988


2. Plan :

I. Introduction : un signe de temps
II. Femme-mère de Dieu (theotokos) : union à Dieu, theotokos, servir Dieu veut dire régner
III. Image et ressemblance de Dieu : Le livre de la Genèse, Personne-communion-don,
IV Eve-Marie : le commencement et le péché l’anthropomorphisme du langage biblique, ‘il dominera sur toi’, le Protoévangile
V Jésus-Christ : ‘ils s’étonnaient qu’il parlait à une femme, les femmes de l’Evangile, la femme surprise en adultère, gardiens du message évangélique, premiers témoins de la résurrection
VI Maternité-virginité : deux dimensions de la vocation de la femme, maternité, la maternité en rapport avec l’Alliance, la virginité pour le royaume, la maternité spirituelle, « mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur »
VII L’Eglise, épouse du Christ :  le ‘grand mystère’, la nouveauté évangélique, la dimension symbolique, l’Eucharistie, le don de l’Epouse,
VIII La plus grande, c’est la charité : face aux changements ; la dignité de la femme et l’ordre de l’amour, la conscience d’une mission
IX Conclusion : ‘si tu savais le don de Dieu


3. Présentation détaillée

I. Introduction : Rappel de principaux textes du Magistère

1965 -  message du Concile Vatican II aux femmes : ‘Les femmes imprégnées de l’esprit de l’Evangile peuvent tant  pour aider l’humanité à ne pas échoir’  (cf. Constitution pastorale  Gaudium et Spes sur les signes de temps et  le décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam auctositatem)  
1971 -  travaux de la commission post-synodale de 1971, chargée d’étudier des problèmes contemporains  concernant la « promotion effective de la dignité et de la responsabilité  des femmes »  J-PII cite aussi  Paul VI

                   ‘Dans le christianisme en effet, plus que dans toute autre religion, la femme a dès les origines un statut spécial de dignité, dont des aspects nombreux et marquants sont attestés  dans le Nouveau Testament[...] ; il apparaît avec évidence que la femme est appelée à faire partie de la structure  vivante et opérante du christianisme d’une façon si importante qu’on n’en a peut-être pas encore discerné toutes les virtualités.    

1987 – le  synode consacré à ‘la vocation et la mission des  laïcs dans l’Eglise et dans le monde après le Concile Vatican II, d’après J-P II
notamment souhaitait que soient approfondis les fondements anthropologiques et théologiques nécessaires pour résoudre les problèmes relatifs au sens et à la dignité de la femmes et de l’homme. Il s’agit de comprendre la raison et les conséquences de la décision du Créateur selon laquelle l’être humain existe toujours et uniquement comme femme et comme homme. C’est seulement à partir de ces fondements, qui permettent  de saisir la profondeur de la dignité de la vocation de la femme, que l’on peut parler de sa présence dans l’Eglise et dans la société. ’

II. Femme-mère de Dieu : THEOTOKOS

En Marie c’est  la femme qui est au centre de la plénitude du temps (Ga4,4 en symétrie avec Gn3,15)
Cette « femme », Marie, est présente en l’événement central du salut.
En elle s’éclaire l’énigme de l’existence humaine : qu’est-ce que l’homme.... ?  
Le pape souligne le caractère suréminent de l’union de Marie avec Dieu avec deux conséquences : - Mère de Dieu comme nom propre en résulte ; -dialogue comme nature du lien interpersonnel grâce auquel elle entre en dans le service messianique du Christ.

III. Image et ressemblance de Dieu

Deux sources bibliques :
Gn1,27 : Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa’
Vérités fondamentales de l’anthropologie : l’homme est le sommet de la création, homme et femme ils reçoivent de la part de Dieu le pouvoir  de la domination sur la terre, leur origine commune est la source de leur  vocation.  
Gn2, 18-25
Vérité  sur le caractère personnel de l’être humain qui s’exprime sur plusieurs plan:
-égalité  de la dignité  entre l’homme et la femme,
-une relation réciproque entre eux
-le fait d’être raisonnable,  par ce fait l’homme est d’une part semblable à Dieu et d’autre part capable de ‘dominer’ les autres créatures du monde visible (Gn2,28)
-chacun d’eux est individuellement semblable à Dieu, mais aussi comme unité de deux, ce qui montre que dans la création de l’homme a été inscrite aussi une certaine ressemblance de la communion divine et en même temps cette ressemblance par l’union de deux est un appel à une tâche : une aide de deux côtés. Le pape distingue deux plans où se joue la vérité de l’homme. Sur le plan humain c’est l’appel à la communion interpersonnelle. Mis la Bible révèle aussi un autre plan, celui de la rédemption qui  se comprend à partir de l’attitude de don. Si être une personne veut dire tendre à la réalisation de soi, mais la réalisation de cette tendance  ne peut s’accomplir qu’à travers le don désintéressé de soi’.

 Réalisation de soi au plan humain vise à  se trouver, selon le texte conciliaire, pour le plan du salut le pape suggère sans dire explicitement mot  qu’il s’agirait  de se retrouver en lien avec se perdre, ce qui est le propre du don.  La confirmation de cette intuition se trouve dans le développe qui suit sur le caractère sponsal du lien.  Citons le pape :

Déjà le livre de la Genèse permet de percevoir, comme une première ébauche  ce caractère sponsal (donc comme don=R.K.) de la relation entre les deux personnes et c’est dans ce cadre que se développera ensuite la vérité sur la maternité, et aussi sur la virginité, comme deux dimensions particulières de la vocation de la femme à la lumière de la Révélation divine.

Inutile d’insister que ces deux figures trouve leur expression biblique dans la figure de Marie de Nazareth. 

L’athropomorphisme biblique de la paternité  divine  n’est pas sans interroger la logique humaine. J’y reviendrais dans les questions théologiques.

IV Eve-Marie

Mystère du mal, le péché de l’être humain, le péché des premiers parents. Il affecte le couple, leur unité est menacée, mais cette menace apparaît plus grave pour la femme. Comme dit le pape ‘dans l’existence qui est un don désintéressé et qui va jusqu’à vivre « pour » l’autre s’introduit l’effet de la domination.’ La perte de stabilité de l’égalité fondamentale en résultant, la femme semble plus touché, mais le pape ne dit pas pourquoi, telle cela semble évident. Et quand il le dit c’est  de façon descriptive en constant qu’elle est l’objet de discrimination pour seul fait d’être femme. Lutte contre cela ne doit en aucun cas passer par la ‘masculinisation’ de la femme. 

Deuxième partie de ce chapitre est consacré à la question biblique de savoir comment remédier  à cette situation.  Le pape constate  le caractère unique de la place de Marie dans l’histoire de l’Alliance, mais qui se comprend à la lumière du protévangile : ‘il est difficile de comprendre pourquoi les paroles de protévangile mettent aussi fortement en relief  la « femme », si l’on admet pas qu’elle elle Alliance nouvelle et définitive de Dieu avec l’humanité, l’Alliance dans le sang rédempteur du Christ, à son commencement. Elle commence avec une femme, avec la « femme », à l’Annonciation de Nazareth.’ (Or, dans AT, ‘pour intervenir dans l’histoire de son Peuple, Dieu s’est adressé à des femmes ... mais pour conclure son Alliance avec l’humanité il ne s’est adressé qu’à des hommes.’)  Marie est donc le nouveau commencement de la dignité et de la vocation  de la femme, de toutes les femmes et de chacune d’entre elle. La découverte du caractère féminin de l’humanité de la femme s’est fait donc à l’Annonciation. ‘Cette découverte doit continuellement atteindre le coeur de chaque femme et donner  un sens à sa vocation et à sa vie’

V. Jésus-Christ

Le pape relève l’étonnement de l’entourage de Jésus le voyant parler à une femme. L’étonnement est au centre de la rencontre avec la Samaritaine qui prend la dynamique de l’étonnement en faveur de l’accession à la vérité de sa vie (Jn. 4, 27).  Le Christ, lui qui connaît les secrets du Royaume et qui sait ce qu’il y a dans l’homme,  se fait l’avocat de   la vraie dignité de la femme et de la vocation que cette dignité implique. La dignité en terme d’éthos étant inscrite depuis la création dans le coeur de l’homme, constituant la base des rapports réciproques de deux personnes unis dans le mariage, est rappelé confirmé par Jésus  en tant que l’éthos de l’Evangile et de le rédemption. 

Jésus parle d’une nouvelle façon  de la femme. La femme courbé (Lc13,16) est appelée fille d’Abraham, le titre réservé dans la Bible exclusivement aux hommes. Il faut donc introduire dans la dimension du mystère pascal chacune des paroles ou chacun des gestes du Christ à l’égard des femmes. Il faut également (à mon avis) prolonger cette insistance du pape sur le terrain de l’annonce, à savoir que les femmes sont les premiers témoins de la Résurrection.

VI. Maternité-virginité

En Marie ces deux coexistent.
Maternité est liée à la structure personnelle de l’être féminin et à la dimension personnelle du don. Ceci suppose de la part de l’homme une conscience de la dette que celui-ci contracte envers la femme. Car c’est de la mère de son enfant que l’homme apprend sa propre paternité.

‘Dans la virginité  librement choisie, la femme s’affirme comme personne, c’est à dire comme l’être que le créateur a voulu pour lui-même dès le commencement, et en même temps,  elle exprime la valeur personnelle de sa féminité, devant don désintéressé à Dieu’ (20)

VII. Eglise – épouse du Christ

Ep 5, 25 : Le Christ a aimé son Eglise et s’est livré pour elle. Cette analogie suppose la distinction entre ce qui exprime la réalité humaine des relations interpersonnelles de ce qui exprime  en langage symbolique le « grand mystère » divin.     Le féminin devient le symbole de tout humain.
Il faut insister ( à mon avis) sur cette extension qui signifie l’inversion de référence. Désormais,  le référentiel n’et plus le masculin mais bel et bien le féminin.  Et, pour en démonter une des conséquences, le pape, dans la dernière partie (VIII) va aller jusqu’à faire ce constat : ‘Si l’homme est confié par Dieu à la femme d’une manière spécifique, cela ne signifie-t-il pas  que le Christ compte sur elle pour accomplir le sacerdoce royal (1P2,9) qui est la richesse du don qu’il a fait aux hommes.

VIII.  La plus grande est la charité

Seule la personne peut aimer, et seule la personne peut être aimé. 

IX.  Conclusion

Si tu savais le don de Dieu
Le pape constate que l’Eglise  rend grâce pour toutes les manifestations  du « génie féminin et il demande  que ces innombrables manifestations  de l’Esprit ‘soient attentivement reconnues, mises en valeur, afin qu’elles concourent  au bien commun de l’Eglise et de l’humanité... Méditant le mystère biblique  de la femme, l’Eglise  prie  pour que toutes les femmes se retrouvent  elles-mêmes dans ce mystère, pour qu’elles retrouvent  leur « vocation suprême »’


4. Reprise de quelques questions théologiques 

1° sur la filiation divine de tout homme :

no 4 : ‘l’événement de Nazareth met en relief une forme d’union à Dieu qui ne peut qu’appartenir qu’à la « femme », à Marie’
 no 4: ‘ L’union particulière de la « Théotokos » avec Dieu, qui réalise de manière la plus éminente prédestination surnaturelle à l’union avec le Père qui est accordée à tout homme (filii in filio) est grâce pur et, comme tel,  un don de l’Esprit
no13 : fille d’Abraham (Lc13,16)

2° sur la  nature de Dieu

no8 : Dieu amour masculin d’époux et de père ; Dieu amour féminin de la mère

A observer qu’il n’y a pas de symétrie. La Bible présente Dieu  au masculin comme époux et père, mais au féminin seulement comme mère. Paternité divine est à prendre en considération dans le sens de la génération, en Dieu est le modèle absolu de toute génération au sens humain. (Ep. 3,14-15). Inversement ‘la « paternité « et la « maternité » humaines portent en soi la ressemblance, c’est-à-dire l’analogie avec la génération divine et avec la paternité  qui, en Dieu, est « totalement différente », complètement spirituelle et divine par essence.    

3° sur la relation en couple (et plus largement dans la société) :

‘il dominera sur toi’ (Gn3,16) la domination comme conséquence de la désobéissance à la loi de Dieu et donc comme conséquence du péché.

4° sur le changement du référentiel du masculin au féminin  (cf Ep5,25)