2010/10/10 - Conférence-débat - PERE ET FILS, UNE RELATION INDISPENSABLE

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Cette conférence se présentera sous forme d’un dialogue permettant au Père Rémy d’interrompre l’intervenant pour éclaircir ou conforter un propos.

Dans la lignée des précédentes conférences, celle-ci aura pour but d’examiner comment nous, en tant que Chrétiens, réagissons devant les faits d’actualité, et les analysons à la lumière de l’Evangile.

Jean Christophe Dardenne, pédopsychiatre, a d’abord été médecin, avant de suivre une formation psychanalytique .

JCD : Je me suis toujours intéressé au corps avant de m’intéresser à l’esprit, et ce sera une chose bien présente dans ma façon d’écouter et d’accueillir l’autre : ce sera une écoute et un accord dans ma vision de la maladie mentale.

Je pense que lorsque je reçois des familles, des enfants, ils s’adressent autant au médecin qu’au père potentiel et je ne sais jamais si ma réponse est celle du psychiatre ou celle faisant substitut à une fonction paternelle défaillante.

J’exerce dans deux lieux différents dans la pratique ; je suis médecin hospitalier à Beaumont sur Oise, et une fois par semaine, j’exerce, à Andilly, dans un institut pour enfants handicapés mentaux dont le QI est souvent inférieur à la normale. J’y organise des groupes de parole avec les parents : j’y vois l’importance des mamans, les pères sont meurtris et restent souvent muets. Le père renonce à sa fonction, empêché de pouvoir faire des projets pour son enfant.

Père Rémy : Qui sont et que font les psychistes ?

JCD : Ils s’intéressent uniquement à l’esprit et non au corps humain. Dans les soins proposés, ils ne s’adressent qu’à la mère, jamais au père, jamais à la famille réunie.

Père Rémy : Mais qui prend le relais du père ?

JCD : C’est là que les psychistes prennent une place importante, dans une situation d’absence du père ; ils risquent de prendre un rôle de substitution. Le psy est doté d’une aura extrême : il risque de vouloir devenir tout puissant, trop influent.

Père Rémy : Quel est le différentiel qui permet de déterminer si la demande est justifiable ?

JCD : le travail de discernement est indispensable. On ne peut pas guérir quelqu’un à son insu. Il faut savoir entendre la demande. Le père est un symbole d’individuation et de séparation, contrairement à la mère qui est dans le fusionnel. Pendant la grossesse, le père est imaginaire. Lors de la naissance, la fusion continue, c’est encore une période sans le père : il interviendra lorsque la maman et le bébé seront prêts à lui laisser sa place. La triangulation se fait tardivement. Le père reconnait l’enfant, mais tout passera par le langage, et la première chose que l’enfant entendra de son père, c’est ‘’non’’ !

Père Rémy : l’enfant voit-il l’intérêt des interdits ? on pourrait faire un parallèle avec la Genèse.

JCD : Le bébé, dès l’âge de 1 an ressent des pulsions violentes envers son père. Il souhaite tuer ce père qui représente les règles, la loi. Le père n’est pas forcément le géniteur : ce peut être n’importe qui à partir du moment où il incarne l’autorité et la loi : c’est une fonction, mais la fonction doit trouver un médiateur ; le symbole doit être incarné : il faut mettre un terme au paradis, à l’amour fusionnel. Quand le père est incarné, c’est plus simple.

Père Rémy : Le père ne tire-t-il sa force que parce qu’il s’appuie sur la loi ? Qu’est-ce qu’un pédo psychiatre peut dire sur l’amour des parents ?

JCD : le père s’incarne dans le petit homme. Il incarne la force : c’est ce qui nous donne l’énergie et nous permet d’avancer dans la vie. L’amour maternel ne nous permet pas d’accéder à cette fonction.

Père Rémy : L’amour des parents, c’est la reconnaissance de l’altérité dans la filiation.

JCD : aujourd’hui, les pères sont jugés défaillants, et c’est souvent une raison pour l’exclure. Il faut parler en famille. Aujourd’hui, il est difficile de trouver un couple stable (père absent, relations de couple inexistantes, etc..) Ce qui importe, c’est que l’enfant soit élevé avec une figure paternelle qui incarne la loi et l’autorité, et qui ne soit pas maman. Ce peut être quelqu’un de l’entourage : grand père, oncle, etc..) Fille ou garçon, tous deux ont besoin d’un père à aimer et à respecter. La petite fille a besoin de sentir dans le regard de son père un regard sexué. Si le père ne valorise pas suffisamment sa petite fille en sa qualité de future femme, elle risque de chercher ailleurs la reconnaissance de sa féminité. Le père doit accepter de jouer le jeu.

Il y a une multitude de pères possibles, dès lors que le Pater Familias n’est plus.

L’amour du père est toujours soumis à un contrat : je t’aime parce que tu vaux quelque chose : ‘’prouve moi que tu vaux quelque chose’’. C’est un amour qui demande des preuves.

Père Rémy : la mère aussi peut exiger des preuves ? et comment l’enfant peut-il reconnaitre que c’est bon pour lui ?

JCD : l’amour de la mère est sans concessions : il s’appuie sur l’autorité du père. La mère peut aussi incarner cette fonction paternelle : certaines femmes sont très masculines. Les mamans seules font appel à quelqu’un sur qui elles peuvent s’appuyer et cela fonctionne. La seule façon d’articuler la vérité et la conscience, c’est le langage. Il permet d’articuler ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes, avec ce qui est véhiculé par les mots. Le langage permet d’articuler un éprouvé, un vécu, une sensation profonde de vérité avec un mot qui vient représenter cette chose. Le reste est du verbiage. Le langage permet de parler ‘’vrai’’.

Tout ce que l’on apprend par mimétisme ne fait pas sens. On a besoin du mimétisme pour se confronter à l’autre. Pour autant, la vérité des sujets ne peut pas émerger du stade du miroir. Il faut dépasser le stade du miroir, accéder à une autre vie. Le mimétisme, c’est une mécanique qui a pris dans le narcissisme. La loi du père, c’est dépasser le narcissisme, c’est quelque chose qui nous amène à dépasser l’ego. Tant que l’on reste dans l’ego, la loi du père n’a pas opéré.

Père Rémy : ‘’ à l’image de sa ressemblance, Il les créa…’’ Là, on n’est pas dans le mimétisme, on est dans l’image du reflet de Dieu. Il y a un passage par l’identification pour atteindre l’identité. Le croyant devient un sujet face à la divinité avec laquelle il est en relation (de vie ou de mort, selon le cas).

JCD : le mimétisme intervient comme une étape du processus indispensable, mais il n’est pas un but en soi, car il s’agit seulement de différence. C’est l’altérité qui permet de comprendre la différence entre le reflet et l’identité propre.

Père Rémy : Quelle différence entre ‘’code’’ et ‘’symbole’’

JCD : le code opère immédiatement ; le symbole n’est pas représenté de façon concrète mais son sens n’échappe à personne. Il est difficile de traduire le symbole en concret : le père, c’est tout sauf du concret. L’essence de la force de la loi du père n’est pas concrète. Cette loi, c’est dire : je ne peux pas tout exiger en amour (c’est interdit) et l’amour doit être partagé (je ne prends que ce que je peux donner en échange) : c’est cela la loi du père : un partage équitable, une transaction ; ne pas exiger de l’autre plus que soi-même, on puisse donner. La place du père, c’est quelque chose qui fondamentalement caractérise ‘’homo sapiens’’.

Toute personne qui nous fait croire que l’on pourrait advenir comme lui, nous prend dans un discours pervers : c’est le discours du serpent.

Père Rémy : c’est vrai aussi dans le domaine spirituel. On expérimente cela dans l’accompagnement spirituel, on se rend compte qu’il n’y a pas 2 chemins pareils. Il n’y a pas d’école pour structurer la relation au Père éternel. Ceci nous prévient du danger de dire : fais comme moi… La structuration père-enfant qui est une fonction de transmission, s’incarne dans des réalités variées et différentes, suivant les sociétés : cela devient le propre de l’être humain : cela dit quelque chose de la socialité.

JCD : la transmission prend parfois des formes surprenantes, mais la génétique n’intervient pas dans cette transmission. Le père nous pousse à la réflexion parce qu’il nous pousse à penser le manque. Face à la terreur qu’est la toute puissance de l’esprit, le père nous pousse à penser le renoncement, le manque, et la question qui s’articule avec le manque, celle du désir, mais certainement pas de la volonté de toute puissance qui appartient à une autre structure mentale.

JCD : sur l’identification de l’enfant : jusque l’âge de 1 an, il n’y a pas de père dans la tête de l’enfant. Ensuite il apparait comme un rival, d’où les pulsions de meurtre ; si cela ne disparait pas, on aboutit à la psychose.la mère fait de son compagnon un père ; il vaut mieux une image de substitution que rien. Un enfant élevé dans un milieu homosexuel est obsédé par son identification : qu’est-ce qu’être un homme ? qu’est-ce qu’être une femme ? mais cet enfant peut très bien s’en sortir.

Il ne faut pas laisser l’enfant s’attacher viscéralement à sa mère ou à des objets de toute puissance ; cela peut conduire à la perversion ou à la psychose. Inconsciemment, la mère peut exclure le père, mais si c’est conscient, c’est machiavélique. Il existe des difficultés de communication : dans l’autisme, le lien entre la mère et l’enfant ne se fait pas. On note aussi une autonomisation des adolescents par la confrontation, mais la violence n’est jamais une solution.

En conclusion, on notera :

- L’augmentation des troubles mentaux chez l’enfant
- Le déplacement de la nature des déficiences
- Les situations limites : mécanisme de la perversité sur le plan social.