2009/03/22 - Exposition de peinture de Pierre Callewaert

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Dans l’église de Groslay se trouve depuis le début de carême l’exposition de peinture de Pierre Callewaert, prêtre et peintre. Neuf tableaux dont chacun représente un élément de la rencontre de Marie de Magdala avec le Ressuscité le matin de Pâques.

 

1° Alors qu’il fait nuit
2° De bon matin
3° Marie de Magdala va au tombeau
4° Jésus lui dit « Marie »
5° Elle se retourne et lui dit « Rabbouni »
6° Jésus lui dit « Va leur dire »
7° « Je monte vers mon Père, votre Père »
8° « Vers mon Dieu, votre Dieu »
9° Alléluia.
(Jean 20, 1-18)  

 

Cher Pierre !
C’est une joie de te voir ici dans cette église avec tes tableaux qui accompagnent les paroissiens et les passants dans leur démarche de carême,   dans leur vie. Lorsque ce projet a été évoqué pour la première fois, l’idée en a surpris plus d’un. Comment accompagner le temps de carême dans une paroisse avec des tableaux qui parlent de la Résurrection. Soit, Marie de Magdala en est le premier témoin, elle a vécu une rencontre extraordinaire avec Jésus. Comme tu l’as rappelé tout à l’heure, ils ne sont pas tombés dans les bras l’un  de l’autre, elle le reconnaît, « Rabbouni », Il lui demande d’aller voir... les autres et leur dire qu’il est ressuscité.

 

Je voudrais partager comment je reçois ta peinture. Ce matin il s’est imposé comme une évidence : ta peinture n’est pas abstraite, elle est concrète, réelle car  réaliste et puisque réaliste, réalisable. N’est abstrait  que ce que nous ne comprenons pas. Mais est-ce que l’on comprend ta peinture. En la regardant certainement pas, en te regardant, pas sûr non plus. Nous connaissons ce fameux tableau en bas duquel est écrit « ceci n’est pas une pipe » (de Magritte). Pour savoir ce que c’est, il faut avoir le code, la clef. Il ne suffit pas de peindre une pipe pour constater que c’est une pipe. Sauf que, dans tes tableaux, il n’y a pas d’objets peints pas plus que des paysages ou des natures mortes ni des êtres vivants. Aucune figure qui ferait penser à quelque chose de déjà connu. Dans les 9 tableaux, il y a une continuité du noir au blanc. D’ailleurs le noir n’est pas tout à fait noir et le blanc n’est pas tout à fait blanc non plus.

 

Ta peinture n’est pas abstraite, elle est réelle, concrète, mais pour accéder à ce qu’il y a de concret, à la réalité de ce que ces tableaux portent, il faut d’abord accéder à la parole. Tu l’as dit : chaque tableau représente quelque chose de la rencontre entre Marie de Magdala et Jésus ressuscité.

 

Tout art est spirituel et peu importe s’il induit une dimension transcendantale verticale. Dans cette façon d’exprimer la spiritualité il y a de la double violence : celle de la mise à distance entre le tableau et le regardant et celle de l’obligation de comprendre sous peine d’abandonner et de verser quelques larmes aux dossiers de la non-rencontre. Or, cette mise à distance et cette obligation imposée par l’opacité  du tableau sont à leur tour sources de puissance créatrice, voire même salvatrice. Elles font appel à la liberté de celui qui regarde par rapport à ce qu’il regarde.  Si ceci n’est pas une pipe, en revanche cela est une réalité, car tu as réellement vécu en méditation et en prière avant, et d’une autre manière pendant  la réalisation de ces tableaux. Dans le rapport à la matière utilisée, il y a chez toi comme du respect pour ce qui  se présente dans cette matière avec ses dispositions inhérentes à la vie des objets. Ainsi il y a des taches et des coulures. Les taches ne viennent que d’une position horizontale, tache d’huile, tache qui imprègne  le support et s’agrandit. Les coulures proviennent d’une inclinaison partielle ou totalement à la verticale. Elles sont le résultat d’un laisser-faire, comme si la matière elle-même avait ses propres droits à se présenter sous le jour (ou la nuit) de ce qui lui est propre, grâce à la loi de la gravité. Faire et laisser faire, les deux comme regarder et comprendre. Les deux en lien réciproque et chacun dans sa particularité.

 

Ceci est la vie spirituelle d’un croyant. Ces formes détachées désignent des endroits où passe la vie. La vie qui est entre le regardant et le tableau, et qui suppose qu’il y eût de la vie entre  le peintre et  ce qui se donne à voir.

 

Aujourd’hui je t’imagine pouvoir continuer à faire des tableaux de deux côtés en prolongement vers le blanc toujours plus blanc et de l’autre en prolongement du noir toujours de plus en plus noir. Tout en sortant formellement  de la thématique, le plus blanc  qu’il  n’y ait plus un autre blanc plus blanc que celui-ci et de même le plus noir en se rencontrant, ne pourront qu’exploser, car on ne voit pas bien la cohabitation possible entre ces deux-là.

 

Pierre, ta peinture n’est pas abstraite comme « ceci n’est pas une pipe » alors qu’en toute évidence de prime abord tous ces tableaux  le sont.   Cette peinture-là pour communiquer a besoin d’une parole. La tienne est celle de la foi d’un homme épris du Christ et de ses rencontres qui façonnent et ta vie et ta foi. Grâce à ta parole, notre regard  dit la rencontre et ta rencontre dans la peinture  dit ton regard. La joie du matin de Pâques n’est pas loin, mais, comme tu nous as invité à le faire pour regarder les tableaux, on n’y entre que  dans le silence. Et on y reste.