2014/03/30 - Homélie - 4e dim. de Carême

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Guérir d’aveuglements


J’ai entendu parler d’un homme  qui, une fois sous l’effet de l’alcool, est tombé et a momentanément perdu la vue. Effrayé, il est allé voir le médecin qui l’a averti d’un  danger similaire voire plus grave susceptible de se reproduire à l‘avenir. Du coup, l’homme en question a vu quelque chose qu’il n’avait pas vu avant ou plutôt qu’il refusait de voir. Il a reconnu qu’il était malade, dépendant de l’alcool. Et il a cessé de boire. Plus de 20 ans que cela dure.


J’ai une amie qui durant de nombreuses années souffrait de l’anorexie laquelle entraînait une grave dépression. Elle s’enfermait dans la chambre toute noire et passait ses journées au lit. Prostrée, incapable de s’occuper de la maison, de son fils  ou d’exercer un métier. J’admirais son mari.

Un jour elle a regardé l’ordonnance avec toute la liste de médicaments à prendre. Une fois de plus, pourrait-on dire.  Mais cette fois-ci, elle a réalisé que les médicaments étaient vraiment pour elle, que c’était elle qui était malade. Elle était malade... Et pourtant elle ne le voyait pas avant.
Mais là, le choc fut tellement fort qu’elle s’est levée,  a tiré les rideaux pour faire entrer la lumière  dans la chambre et elle  est sortie de la chambre. Et à l’aide des médecins et de son mari toujours aussi aimant, elle s’est sortie de la maladie. C’était il y a environ 10 ans, depuis elle va très bien. Je continue à admirer son mari. Mais j’admire aussi comment elle fait tout pour demeurer dans la lumière de la vérité à l’égard de sa santé qui certes demeure fragile, mais qui ne l’empêche pas de vivre. 


Jésus a guéri un aveugle de naissance. Quelqu’un qui n’a jamais vu de ses propres yeux. Jésus l’a fait pour le restituer dans la dignité première à laquelle tout être humain est appelé. Celle d’être autonome pour subvenir à ses besoins et ceux de ses proches et pouvoir ainsi louer Dieu à travers une telle vie.
En ouvrant les yeux physiques sur le monde dont il faisait parti, sans pouvoir le voir, cet homme ouvre aussi les yeux de la foi. Pas tout de suite, mais peu à peu et ceci dans des circonstances qui n’étaient pas des plus faciles.
Et l’homme ouvre les yeux de la foi  en reconnaissant en Jésus la source de vie éternelle.
C’est bien plus qu’une simple reconnaissance pour quelque chose de bon obtenu par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre.

Il aurait pu se contenter de remercier Jésus pour un si bon geste, comme on peut remercier un chirurgien d’avoir réussi l’opération etc.


Or, il a accepté l’autre guérison aussi. Il a accepté de se faire interpeller par Jésus :
« - Crois-tu au fils de l’homme ?  - Qui est-il pour que je croie en lui ? - Tu le vois, c’est celui qui te parle. - Je crois, Seigneur. Et il se prosterna. »


Un chef-d’œuvre de dialogue, digne d’une grande pièce de théâtre. L’Evangile, bonne nouvelle, dans toute sa splendeur.


Nous essayons à  voir avec les yeux de la foi. Mais nous sommes pétris de biens des évidences au sujet de ce que nous voyons. Tout comme quelqu’un qui n’a jamais vu physiquement s’imagine comment c’est le monde autour de lui. Nous pensons que nous savons ce qu’il y a à voir, où et comment. Ou encore il nous arrive de demeurer dans une hésitation constante. Sans jamais prendre les décisions qui s’imposent pour agir.  Est-ce que tout  cela, et bien d’autre chose, veut dire que nous voyons bien ?        


Une petite liste en guise de prolongement de l’examen de conscience fait à l’occasion de la célébration de réconciliation de samedi dernier dans cette même chapelle.  Ce qu’il  y a de bon dans le Carême,  c’est de  pouvoir voir mieux.


De quel aveuglement suis-je particulièrement atteint :


- l’aveuglement de l’autosuffisance ou encore pire, de la suffisance ?

- l’aveuglement de l’insensibilité à l’égard du mal que je peux faire sans absolument me rendre compte des conséquences, paroles, attitudes blessantes qui interrogent, découragent, voire même paralysent jusqu’à  produire chez l’autre une sorte d’anorexie sociale.

- l’aveuglement à l’égard d’une attitude snobe (le mot d’origine anglaise qui ne donne pas forcement le palmarès à ce type d’attitudes chez les anglophones natifs)

- l’aveuglement à l’égard d’une fierté mal placée ;

- et puis tant d’autres aveuglements visibles dans les attitudes  d’être constamment pressé, sans jamais prendre du temps pour rencontrer pas seulement ceux que l’on aime, mais aussi ceux que l’on ne connaît pas,

- l’aveuglement de mauvaises priorités,

- l’aveuglement  à cause d’une vie toute matérielle ou encore superficielle... .


Dieu ne nous voit pas avec nos yeux humains.


Ouf, quelle chance ! Mais en même temps, peut-être nous avons peur de savoir comme il nous voit vraiment. Et ce qu’il veut pour nous et par nous pour les autres.
A coup sûr, nous sommes persuadés  qu’il nous demande bien plus que ce que nous sommes enclins à lui donner. 
C’est toute la question :


jusqu’où va notre désir profond et comment il est accompagné par notre volonté pour accueillir  Dieu et sa volonté.                   


                 En d’autres termes,  comment voir Dieu pour nous voir ?!  
Pour nous voir, enfin !