2017/03/19 - Homélie - 3e dim. de Carême

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CARÊME :
C’est aussi  le temps qui
me permet de comprendre
pourquoi
je ne veux pas me convertir!


Nous tenons à notre vie plus qu'à tout. Y compris par rapport à  la vie éternelle en Dieu. Nous nous habituons à nous apprécier tels que nous sommes. Et « si nous arrivons à positiver, c’est déjà bien ! » N’est-ce pas le soupir que l’on peut entendre? Nous essayons tout de même de développer ce côté positif qui sommeille et nous et que nous réactivons périodiquement, suivant les circonstances. C’est la générosité, l’attention aux autres… Que vouloir de plus ? « Vous n’allez tout de même pas, mon père, faire de nous des saints ! ». J’entends cette phrase bourdonner dans mes oreilles. Si, justement, mais cela suppose de passer par bien des étapes.

Certes, il y a beaucoup de choses qui nous dérangent. Mais, faute de mieux, nous finissons par les accepter telles quelles. Nous nous y installons et faisons rayonner notre personne autour de nous. Et beaucoup trouvent cela sympathique, agréable, voire se réjouissent de cela et nous emboitent le pas. Et pour survivre dans un tel état, nous déployons toutes sortes de stratégies d'éviction. Ces stratégies ont toutes pour but de masquer cette résistance à la conversion.

Et pour être tout de même en règle, tout au moins avec nous-même, nous rabaissons le niveau d’exigence spirituelle, en l’’accommodant à notre sauce. C’est qu’a fait la Samaritaine avant la rencontre avec Jésus. Ou ce que nous entendons si souvent, pour signifier le refus d’aller à la messe, du style : «  les chrétiens qui vont à la messe tous les dimanches ne sont pas mieux, voire pire que les autres ; même des non chrétiens sont souvent meilleurs... »

Ainsi, nous sommes à peu près sûrs de pouvoir échapper au devoir de la conversion. Ainsi, nous sommes à l’abri de ce spectre qui plane sur les chrétiens et qui les rend si vulnérables. Et en effet, peu crédibles sont de tels chrétiens. Ils sont si souvent sujets à des déprimes spirituelles qui les font battre leur mea culpa. Quelle horreur que d’être à la merci d’un bon vouloir d’un Dieu qui ne correspond même pas à nos attentes. Ce Dieu avec qui nous n’avons pas fini de régler nos comptes.

Et puis, après tout, la vie est déjà tellement compliquée en nous et autour de nous. Nous n'allons tout de même pas nous battre sur tous les fronts. Bref, nous faisons tout pour ne pas activer le mouvement de conversion. Nous avons donc plusieurs raisons  pour ne pas nous convertir.

Car, si nous le faisions, nous serions obligés de nettoyer nos pensées et nos sentiments.  Et nous serions obligés des quitter les eaux tantôt tranquilles tantôt turbulentes des mers de nos existences pour une autre vie. Cette autre vie, qui sans pour autant échapper aux bourrasques, fait cependant augmenter la qualité de bonheur. Et nous serions obligés de ne plus tourner en rond sur ces mers de nos existences. Là, où nous naviguons au gré des alizés de notre bonheur désiré, bien douillet, tout en étant étonnés que les coups durs ne nous épargnent pas. Et nous serions obligés de redresser la barre de notre vie embarquée dans les navires de nos corps pour retrouver le cap de l’Espérance.

Mais cela supposerait s’autoriser à démolir les autels dressés pour honorer nos idoles. Et les idoles, elles sont pléthore. Faut-il les nommer ? « Miroir, miroir, dis-moi que je suis belle, dis-moi que je suis fort ! « 

Ces idoles avec leurs miroirs sont des reflets de nos désirs de vouloir nous retrouver le mieux que nous puissions faire. Le puits de Jacob sur lequel se penche la Samaritaine en présence de Jésus dit bien autre chose, à savoir la vérité de la vie. Alors, accepter la conversion, c’est d’accepter de rendre les armes  de nos combats, menés par nos propres forces. C’est pour cela aussi que nous ne voulons pas nous convertir.

Car se convertir, c'est d'accepter de se laisser recevoir d'un Autre. C'est perdre sa vie à cause de cette Autre Vie, plus grande que la mienne. Ou plutôt, de permettre à cet Autre de retrouver en moi ce qui il avait déjà déposé comme appel pour le rejoindre. La Samaritaine l’a bien compris. Mais cet appel, je ne peux l’entendre que par la voix extérieure à moi et qui me dis souvent dans le creux de mon oreille : « viens et va ».

Se convertir cela suppose accepter de chambouler tellement de choses en moi, que très honnêtement je ne veux pas, toujours pas. Encore une fois je me le dis, malgré toute cette résistance, je ne suis tout de même pas un monstre spirituel. Et, en principe, le fait de venir à la messe le prouve.

Éventuellement, j’attendrai donc qu’un événement grave me pousse à la conversion. Mais sans préparation aucune pour affronter de tels événements éprouvants, je risque aussi de m’en éloigner. Mais après tout, peut-être que tout cela m’est égal.

J’espère que je vous ai convaincus de ne pas vous convertir. Et surtout de comprendre les raisons pour lesquelles chacun pourrait dire : « Non, je ne veux pas me convertir ! »  Répétez cette phrase svp dans votre tête, à voix basse et même en criant. C’est une thérapie comme une autre. Et si vous l’appliquez, vous êtes déjà sur le chemin de conversion. Donc réfléchissez bien, avant de vous y mettre. Vous êtes libres, c’est pour cela que l’on ne va pas le faire tous ensemble maintenant. Alors que de vous le proposer, cela me démange. Le temps de carême est un temps de vérité. Et cela passe par de tels constats qui font froid dans le dos.

Et si vous voulez savoir quelles sont les conditions de la vraie conversion, revenez samedi prochain. Et si vous trouverez de bonnes raisons pour ne pas y venir à cause de cela, vous saurez à quoi vous en tenir.  AMEN