2018/02/25 - Homélie - 2e dim. de Carême

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Tu vivras


Le récit du sacrifice d’Isaac laisse toujours un goût d’inachevé. Ce goût exprime notre cheminement depuis la croyance païenne à la foi chrétienne. Je l’ai aussi expérimenté en préparant cette homélie. On peut savoir beaucoup de choses sur le contexte historique  du récit et  sur sa portée théologique. Le soupçon reste très fort. Dieu veut éprouver l’homme dans la fidélité qu’il lui porte. Et il le ferait sans se priver de tous les moyens dont les hommes disposent ? Il voudrait nous prendre ce que nous avons le plus cher ! Notre vie, nos projets, notre avenir. Nous priver de notre liberté, nous rendre esclaves ! Comment croire en un tel Dieu ? 


De fait si notre raisonnement se situe sur ce chemin, nous sommes dans la lecture païenne du récit. Et alors Dieu punit et récompense comme il veut.  Or la Bible dans ce récit nous indique une lecture différente. Il faut seulement être attentif aux indices. C’est une lecture de la foi avec un regard d’amour.


Ceci se laisse voir en trois étapes. 


1° lorsque le texte a été écrit  tout le monde savait qu’Isaac avait vécu longtemps. Donc on ne peut pas lire ce récit comme un film à suspense. Le regard est à tourner ailleurs, vers une nouvelle image de Dieu. 


2° Lorsque le texte fut écrit au VII s avant J-C, alors que Abraham avait vécu plus de mille plutôt, tout le monde savait que Dieu refusait le sacrifice humain et ceci depuis toujours.  Les descendants d’Abraham lisent ce texte commun un récit de conversion du regard d’Abraham sur  Dieu. Comme si Dieu lui disait : « Tu imagines que je veux la mort de ton enfant ? Eh bien tu te trompes ! »


3° Dieu est fidèle à sa promesse,  donner une descendance nombreuse à Abraham. Les intérêts des hommes sont fondamentalement les mêmes que ceux de Dieu. Le bonheur humain,  Dieu le favorise, l’accueille et le transforme, certes à sa guise.  Tout ce bonheur,  Dieu demande de le lui offrir (sacrifier), mais pas de tuer. « Offres-moi ton fils en sacrifice, c’est-à-dire fais le vivre, sans jamais oublier que c’est moi qui te l’ai donné. »   Et c’est peut-être là que se situe la difficulté majeure de la foi chrétienne. Ne jamais oublier qui est Dieu pour nous, et donc comment nous avons à être par rapport à lui. Il est notre créateur qui veut notre bonheur. Il nous entoure de sa promesse. Promesse de vie : tu vivras !


4° nous sommes descendants d’une telle promesse. C’est à nous de lutter, d’oeuvrer de toutes nos forces pour qu’elle advienne. Promesse de vie : Tu vivras ! Il y a pleins de situations et endroits dans le monde où une telle promesse se réalise sous nos yeux. Comme par exemple dans les cas des fondateurs de la PSE qui ont bien compris cela. Ils ont compris le devoir de dire à chaque enfant de la décharge de Phnom Penh « Tu vivras ». De le dire en s’occupant de lui. En lui procurant de la nourriture, les soins nécessaires, son éducation, son métier. Et tout cela par amour. Amour qui transfigure, comme dans le récit de l’Évangile d’aujourd’hui. La vraie nature devenant visible pour un moment. 


Suis-je dans le désir de chausser des lunettes de la foi ? Lunettes qui me permettent de voir par amour ? Et me souvenir de cela ?  AMEN