2019/06/30 - Homélie - 13e dim. ord.

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Cet appel qui nous change!


L‘histoire de l’appel d’Elysée par Elie est une belle illustration de ce que nous vivons si souvent dans notre vie de foi. Obéir à Dieu, mais comment? Théoriquement, par le baptême, nous savons que nous sommes voués à Dieu. Dans la confirmation nous sommes investis d’une mission bien concrète. Voilà deux sources d’obéissance.


Dans l’Évangile, les disciples avaient fait des travaux pratiques d’envoi en mission avant même leur propre confirmation. Ils avaient aussi entendu parler des différentes excuses et résistances  chez les autres. Et celui qui voulait suivre Jésus sans se rendre vraiment compte de ce qu’est le passage par la croix, n’est pas mieux traité que ceux qui posent des conditions.


Alors, revenons à la première lecture. Elysée, sa première réaction, c’est de poser une condition, lui aussi on pourrait dire. Sa condition, les conditions des contemporains de Jésus, les nôtres, en soi, elles sont toutes bien légitimes. Elles sont tout à fait compréhensibles (anniversaire, jonque, rugby, farewell…). Juste faire des adieux à ses parents, s’occuper d’eux, penser à eux. Quel bel exemple de piété filiale! Saluer ses parents en guise d’adieux, ce n’est rien. C’est si peu, comparé avec ce qui est demandé! Et pourtant, Elie n’accepte pas une telle demande. “Va t’en, retourne là-bas, je n’ai rien fait”.


Marcher sous la conduite de l’Esprit saint, dont parle st Paul, c’est autre chose. C’est mettre Dieu au centre, en premier. Elysée expérimente l’exigence d’une telle demande. Dans cette réaction d’Elie : Va t’en, il y a une valeur symbolique à voir. Pas celle de l’interdiction de penser à ses parents, mais  celle de placer  Dieu au centre de nos vies, et donc lui donner une priorité absolue.  Et cela vaut pour toute notre vie et tous nos liens interpersonnels. Cela vaut aussi pour notre rapport au temps, aux objets, à l’argent y compris, tout ce dont nous disposons.


Parfois, en tant que prêtre,  je me suis aussi trouvé comme Elie dans une situation semblable. Lors des appels, on pose des conditions, comme sur une place de marché où tout s’achète et tout se négocie. Ces conditions ne me sont pas posées, à moi, elles sont posées à Dieu. Certes, pas à ce Dieu avec lequel on s’arrange dans notre conscience personnelle, mais celui de la Bible.


Et ce qui arrive lorsque nous ne sommes pas connectés avec l’ensemble de ce Corps du Christ qu’est l’Eglise. C’est qui arrive lorsque nous sommes dans une spiritualité affective ou raisonnable, les deux se valent. C’est alors que nous nous sommes limités dans notre manière de croire au périmètre de notre horizon personnel ou collectif. Mais pas en lien avec le Dieu de la Bible. Or, le Dieu de la Bible est celui qui parle par Elie et qui par, par excellence, par Jésus lui-même dans l’Évangile.


Donc, du point de vue purement humain, certaines excuses sont  plus légitimes que d’autres. Toutes très bien argumentées, toutes irréfutables. Et je réagis de façon semblable à Elie: vous êtes libre de dire oui où non.


Mais la comparaison avec Elie ne  s’arrête pas là. Certes, parfois je peux me tromper dans le ciblage. Parfois, je me rends compte que l’appel pour telle ou telle mission  n’était pas tout à fait bien destinée à la personne en  question. Mais dans ce cas,  le plus souvent, c’est parce que je ne connaissais pas bien le contexte de la vie de la personne en question. Et alors on réajuste en fonction de cela et on repart heureux comme Elysée qui brûle l’outil de son travail pour être voué à Dieu et sa mission. Mais cela n’est pas synonyme pour vous de devoir entrer  dans les ordres.


Qu’est ce que l’on doit brûler alors? Faire brûler de façon symbolique ce qui éventuellement  retenait encore la personne en question dans une résistance momentanée. Le temps d’un discernement pour savoir comment être au service de la mission. Et non pas dans la posture de rendre quelques services jugés acceptables, point à la ligne. C’est d’un changement d’attitude qu’il est question. Il s’agit de donner son cœur à Dieu. De le donner totalement, même pour un tout petit service (petit en volume de temps, d’énergie, d’attention, que sais-je).


Je vais bien rendre quelques services, mais voici mes conditions. Il s’agit des conditions sur la manière de faire, en disant, ce sera ainsi et pas autrement. Ces conditions  ont une réelle valeur marchande. Comme dans la vie où tout semble fonctionner selon ce principe où tout  se vend et tout s’achète. Même la religion et la spiritualité qui l’a sous-tend.


Or, avec Dieu il n’y a rien à négocier, sauf pour implorer le pardon; pardonne leur.... Dieu est patient et il attend que nous lui donnions notre cœur  tout entier. On peut retarder la réponse, on peut être en chemin vers la réponse pendant longtemps. Moi, j’ai mis 7 ans pour répondre à l’appel de Dieu pour devenir prêtre, c’est plutôt long. Le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Cela nous exerce à la patience.


Et pourtant c’est une réponse positive que j’entends pour la plupart du temps:


Merci d’avoir pensé à moi, je suis touché, je suis prêt, même si je n’ai pas pensé à cela car j’ai pensé plutôt à autre chose, mais puisque la communauté a besoin de cela, je suis là, je sens que je peux aussi accepter. 

 

La liberté d’enfant de Dieu exprime la confiance. Même si cela ne dispense pas de regarder de près la faisabilité, l’appel est accueilli avec joie. Je suis au service de Dieu, de son royaume et de son projet pour l’humanité. Je suis passeur de Dieu en entier, avec tout ce que je suis, en entier avec mon cœur et ma foi. Et si souvent c’est très proche de l’attitude d’Elysée qui avait juste besoin d’être stimulé dans sa vraie réponse, librement donnée à Dieu. 


Une chose est en revanche importante et qui n’est pas à prendre pour argent comptant, alors que c’est si tentant. C’est de penser que cette résistance à laquelle s’exerce quelque uns par-ci par là, est une bonne attitude chrétienne. Non, elle ne l’est pas. Et il est d’autant plus dangereux de faire savoir autour de soi qu’une telle résistance est une bonne résistance en favorisant ainsi une défiance à l’égard d’un Dieu de Jésus-Christ, pas celui que nous nous imaginons.


Au service de quelle mission nous sommes alors? Celle que nous nous donnons! Or la mission en Eglise, pour l’accomplir, il n’y a qu’un seul chemin. C’est de la recevoir d’un Autre, la recevoir dans la disponibilité du cœur rempli d’espérance chrétienne pour le bien de tous.


Pour terminer et résumer :


Dieu nous appelle au milieu de notre vie. Il n’attend pas de nous que nous soyons parfaitement prêts à accomplir la mission. Et ce puisque c’est lui qui nous donnera tout ce qui est nécessaire pour combler le manque. Il nous demande de lui donner d’abord notre vie toute entière. Le reste, en terme des contours de la mission, suivra.


Pour répondre à un tel appel, il nous faut d’abord être dans la prière.  La réflexion,  bien que nécessaire, mais à elle seule, elle n’est suffisante. La réflexion est une action secondaire, auxiliaire de la prière. Dans ce contexte seulement nous pouvons être sûrs de savoir que nous cherchons d’abord la volonté de Dieu. Répondre à la mission c’est de chercher quelle est la volonté de Dieu au travers les décisions que nous prenons.


Mais ce Dieu que nous cherchons est celui qui s’incarne dans la vie de chacun d’entre nous par sa Parole et par la communion eucharistique.  C’est à Lui que notre âme ose reprendre ces paroles du psaume qui exprime une intimité pleine d’amour: 


“Je n’ai pas d’autre bonheur que toi,
tu m’apprends le chemin de la vie, 
devant ta face, débordement de joie, 
A ta droite éternité de délices.”          AMEN