2011/04/10 - Homélie - « Résurrection » de Lazare (Jn11)

Imprimer

 Dans son évangile, Jean nous présent Jésus qui est plus fort qu la mort. La « résurrection » de Lazare, est le septième et le denier signe que Jésus accomplit dans l’évangile de Jean. Ainsi  Jésus entre dans l’ultime étape de la présentation de la puissance de Dieu. C’est aussi l’ultime étape de sa propre vie et de sa mission. Mission qui consiste à libérer l’homme des entraves de la mort.  Ce miracle est le plus important de tous, car il nous montre que Dieu lui-même s’est engagé dans la lutte contre la mort. Dieu nous aime tellement qu’il nous veut vivants et même la mort ne pourrait pas être un obstacle à réaliser un tel désir de la part de Dieu.

 

Jésus ramène donc à la vie un mort qui était bel et bien mort. Ce n’est pas comme les autres fois, où il faisait ramener à la vie  une fillette, le fils d’une veuve etc. Tous, ils venaient de mourir  et leurs corps  étaient  encore à la maison. Lazare, quant à lui, ‘il est mort depuis quatre jours déjà’ et son corps est déposé dans une tombe.  Mais, avant de mourir, il était malade, son état s’empirait de jour en jour.

 

Ses soeurs, Marthe et Marie, très inquiètes, le font savoir à Jésus. Car Jésus est leur ami, ils se connaissent depuis bien longtemps. Jésus venait souvent chez eux, une amitié véritable les lie. Ils peuvent se dire tout, compter les uns sur les autres, sans jamais être dessus. Mais quand Lazare tombe malade, Jésus est à plusieurs kilomètres de Béthanie. 

 

Est-ce que nous avons jésus comme  tel ami ? Est-ce que nous lui disons tout. Nous sentons-nous libre, à l’aise en sa présence, en confiance absolue ? Est-il celui sur qui on peut toujours compter  et qui aussi peut toujours compter sur nous ? Même si cela n’est pas forcement toujours évident. Nos capacités à être à la hauteur de ce qu’il attend de nous  sont tout de même bien limitées. Tout comme nos capacité  à reconnaître sa présence tout près de nous, presque en nous même.

 

Et pourtant ,dans notre vie de chrétiens Jésus ne semble pas toujours être  là où nous en avons besoin. Certes dans notre vie, il s’invite aussi  comme un ami qui vient nous rendre visite. Mais il ne peut le faire qu’avec notre assentiment, car, tout puissant qu’il est, il ne peut cependant pas entrer dans notre coeur (ce « sanctuaire de conscience », selon les paroles de Jean-Paul II)   par infraction. Notre liberté de l’accueillir ou ne  pas l’accueillir est toujours  ainsi engagée.

 

C‘est vrai que parfois nous allons jusqu’à afficher sur les portes de nos coeurs le refus de l’accueillir au plus profond de nous même. Comme cette indication signifiant le refus de la publicité que  l’on voit  sur certaines boites à lettres. Certes,   Jésus n’est  pas à assimiler à une publicité,  car il n’a rien à vendre, il a juste à donner. Et ce qu’il a à donner c’est sa vie et la promesse d’une telle vie en lui. Il donne la vie éternelle. Et cela passe par la victoire sur la mort. Et la dite résurrection de Lazare en est l’éclatante démonstration.

 


En apprenant que Lazare est malade, Jésus déconcerte les disciples qui sont avec lui en déclarant que  : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié ». Il révèle par la que ce qui arrive et arrivera à Lazare, le concerne, lui Jésus, de façon extrêmement   forte. La gloire de Dieu va se révéler dans cette maladie. Mais, l’on sait que Lazare va finir par mourir.

 

Et Jésus ne semble pas pressé pour aller à son chevet, au contraire, pendant deux jours il ne bouge pas. Curieuse façon d’exprimer l’amitié.  Mais de quel genre de maladie parle-t-il ? Au point de ne pas être pressé pour secourir le malade !    Car si ce genre de maladie ne conduit pas à la mort, logiquement on peut supposer qu’il y a d’autres sortes de maladies qui, elles, y conduisent. Comment ne pas penser que la maladie qui conduit à la mort véritable c’est le péché ?

 

Jésus sait en lui-même que la glorification  du Fils passe par le chemin sur lequel le combat contre la mort physique et le combat contre la mort spirituelle sont à la fois à dissocier et en même temps à (associer ?)/* mettre ensemble. A dissocier, c’est ce qu’il fait en disant que  ce genre de maladie ne conduit pas à la mort. Certes, Lazare va mourir physiquement et Jésus ne fera rien pour l’empêcher. Nous sommes tous voués à la mort physique. Le cycle naturel de la vie est ainsi fait, nous y sommes soumis à cause de notre condition de créature. Les premiers parents, avant le péché originel, étaient voués à  la mort physique, mais dans une sorte d’endormissement.

 

Et Jésus va aussi dire au sujet de Lazare, « notre ami s’est endormi » et Jésus va le faire sortir de ce sommeil. Lazare préfigure là sa propre mort à lui Jésus. Lui l’innocent, lui sans péché, lui amour parfait, il frémit, comme si il sentait sa propre mort. Jésus frémit dans son coeur. Il le fait certes, par une amitié très forte pour Lazare et ses deux soeurs.  Mais aussi en étant désormais engagé lui-même, personnellement dans son corps sur le chemin de l’offrande de sa vie. Jésus en a fait des miracles, pour soulager la misère humaine, pour restituer à chacun sa dignité. Mais tant que sa propre vie n’était pas en jeu, en danger, jusque celui  de la mort, il n’a pas encore tout donné.

 

Certainement, parce que son heure n’était pas encore venue. Mais là elle vient, et il en frémit. Il est pris d’émotion très forte, il pleure, il est troublé intérieurement. Le jardin des oliviers n’est pas loin et  avec lui l’ultime combat .   Dans ce combat Jésus va porter sur lui tous les péchés du monde. Il va assigner le mal à  résidence surveillée, mais surtout va le couper de la source, d’où il(=le Mal ?) tire sa puissance à savoir de la mort.   Le fait de ramener à la vie un mort qui « sent déjà » en est le signe le plus éclatant. Par cette victoire Jésus préfigure déjà sa propre victoire sur toute mort et sur tout péché qui conduit à la mort.

 

Cependant, il ne nous  suffit pas nous contenter d’un tel constat, au demeurant théologiquement valable. Si Jésus a su le faire pour Lazare, pourquoi ne pas en   faire autant avec tous d’un seul coup, une fois pour toutes ? Et que l’on n’en parle plus ! C’est vrai, nous serions alors totalement libérés de tout mal et de toute mort qui va avec.  Et nous n’en parlerions plus. Car il n’y aurait plus ni notre vie ni celle des autres. La nouvelle terre et les cieux nouveaux, ne seront pas une promesse mais une réalisation définitive.  Apparemment, ce n’est pas ainsi que Dieu dans son dessein bienveillant a prévu les choses. Mais, je ne m’autoriserais pas d’aller plus loin au risque de fouiller dans le mystère de Dieu en y entrant par infraction de curiosité malsaine et non pas par amour bienveillant.

 


Jésus rencontre donc les deux soeurs, une par une, séparément, avec chacune le dialogue s’engage à partir de cette reproche « Seigneur, si tu avais étais là ». Avec des ‘si’ semblables, nous construisons aussi notre vie. Si Dieu existait, on n’en arriverait pas là ! Certes, des telles expressions disent long sur les attentes que nous mettons dans les puissances extraterrestres pour résoudre les problèmes que nous constatons sur terre. Entre l’impuissance d’un côté et la toute puissance de l’autre, notre coeur balance.   Alors que Jésus nous demande juste de croire. Et par conséquent de faire ce qui, à la lumière de la foi se donne comme possible, voire nécessaire. Le reste,  tout ce que nous ne pouvons pas faire, nous  nous en remettons à Dieu, car c’est ainsi aussi que se manifeste sa gloire.     

 

« Lazare, viens dehors ! » Jésus n’est pas entré dans la tombe, le contact avec un cadavre est strictement encadré de précautions  rituelles. Mais, Jésus n’entre pas dans la tombe, tant qu’il n’y est pas entré pour lui-même.

 

Désormais, à partir d’une telle expérience, il a une bonne longueur d’avance sur nous, il nous précède dans nos vies, il est chemin, vérité et vie. Lazare, l’a expérimenté sur lui-même, lui qui dans le texte de l’Evangile ne parle pas de l’expérience d’un mort ramené à la vie, et  de ce dont éventuellement il se serait souvenu, du temps ou il était mort physiquement, mais spirituellement déjà auprès de Dieu lui-même. 
Notre curiosité ne serait pas satisfaite, et ce qui lui était arrivé est bien autre chose de ce que l’on appelle « la vie après la vie », ces récits de gens qui ayant survécus à la mort clinique, une fois réveillés se souviennent de choses et les racontent. Jésus ne va pas non plus raconter au disciples sa période entre la mort et la résurrection  au matin de Pâques. Il va se libérer lui-même des entraves de l’ensevelissement.

 

Ici, Lazare, sort du tombeau lié, et Jésus demande de le délier. Il fait ainsi appelle à son entourage, au peuple dont il fait partie, à l’Eglise qu’il considère comme son corps. C’est une invitation pour chacun de nous à être collaborateur de la grâce de Dieu qui libère et qui donne vie. Mais Dieu ne peut rien sans notre libre consentement et notre véritable collaboration. Ce sont deux conditions nécessaires pour que sa gloire se révèle et notre vie acquière ainsi la véritable dignité des Enfants de Dieu.