2013/02/24 - Homélie - 2e dim. de Carême

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La Transfiguration


I.  Planter le décor


Ce n'est pas fréquent dans les évangiles de voir Jésus se mettre en scène de la sorte. Certes, il accomplit des miracles, mais jamais pour se mettre en avant, c'est toujours pour aider quelqu'un à mieux vivre. D'ailleurs, ici, non plus, il ne se met pas en avant, c'est juste qu'il se laisse apercevoir tel qu'il est dans sa nature profonde. Il est Dieu venu de Dieu, la lumière étonnante qui en émane, en est la manifestation. Certes, il aurait pu choisir une autre manière pour le faire comprendre à ses disciples. Mais plusieurs indices éclairés par la Bible permettent de comprendre pourquoi c'est ainsi et pas autrement. La montagne et  la lumière qui en sont les témoins, sont parmi ceux-là. Sans faire de voyage biblique pour les rencontrer, restons avec juste la transfiguration et c'est déjà beaucoup. 


Avant de la regarder de près, une comparaison. La transfiguration c'est un peu comme une maison témoin que l'on visite pour voir comment cela va être une fois le lieu habité.  Dans la foi, nous savons que notre vie sur terre n'est qu'un passage et que notre véritable demeure et dans le ciel. Jésus transfiguré montre à ses disciples et à nous qui les suivons, comment sera la maison là-haut. Elle sera pleine d'étonnant bonheur où il sera bon d'être.


Normalement, pour  visiter une maison témoin,  vient qui veut. Mais, là, nous avons affaire à une visite bien particulière. Jésus choisit seulement trois compagnons, apôtres, ?, Pierre, Jacques et Jean.   Ce sont les mêmes  que ceux qui seront aussi présents au jardin des Oliviers. Un autre temps, une autre résonance et d'autres conséquences aussi. Là-bas, ils seront des témoins endormis de l'humanité endolorie de Jésus.  Pour bien comprendre la Transfiguration, il faut se  souvenir de cela. Alors que les disciples, une fois au jardin des Oliviers, n'avaient certainement pas  la tête à se laisser bercer de beaux et doux souvenirs de la Transfiguration. Un autre temps, une autre résonance. Mais, ensemble, ces deux événements disent, chacun à sa façon, les deux natures de Jésus, nature divine et  nature humaine. 


Avec ce décor planté en arrière plan de la méditation sur la transfiguration, regardons de près ce qui se passe après. Après la visite effectuée, ils descendent tous de la montagne. Mais Pierre   exprime un désir dans lequel certainement les deux autres se reconnaissent. Dresser trois tentes, une pour Moise, une pour Elie et une pour Jésus lui-même. L'idée semble louable, un bon réflexe pour réagir à l'événement marquant et oh ! combien.  S'arrêter pour y être tout simplement, pour honorer, mais aussi parce que l'on s'y sent bien.


II. Nos vies transfigurées.


Dans notre vie, nous connaissons certainement ce type de situation. Un événement exaltant  a ébloui,  le coeur s'est mis à battre très fort, la vie devient tout autre. L'état amoureux des uns, la chance qui sourit autrement pour les autres ou encore  une heureuse prise de conscience au sujet de quelque chose d'important pour d'autres.


Qui alors ne s'est pas senti  sur le haut d'une montagne d'où l'on voit le monde aux  pieds, comme un roi qui domine. Mais, même en fumant un joint,  rarement cela dure longtemps. Et pourtant la descente ne semble pas tout à fait à l'ordre du jour. Malgré cela,  cependant, il faut reprendre le cours ordinaire de la vie, sans une telle exaltation. Et, si l'on ne peut pas faire autrement, on se contente de vivre à l'ombre de son souvenir.


Nous avons, comme Pierre, ce désir de contenir le bonheur, de le contrôler et de le retenir. Trois étapes d'une  illusion. Mais cela peut aussi se produire quand un événement douloureux a marqué la vie au fer rouge, une douleur intense, un deuil particulièrement difficile à traverser.


Nous sanctuarisons un espace, quelques objets, tout cela enveloppé dans les souvenirs qui au moins, vaille que vaille, permettent d'éviter de sombrer.


Pourquoi est-ce une illusion ? Parce que la vie n'est pas dans le souvenir qui ne fait que renvoyer  uniquement au passé. Car la vie n'est pas dans le désir de maîtriser ce que l'on a un moment reçu et compris. Ni même dans la volonté de nous en nourrir comme d'un garde-manger magique.


Ne construisons pas des lieux d'illusions qui, tout en gardant l'aspect bien réel et à partir d'éléments bien concrets, car vraiment vécus, finalement ne sont que des  maisons témoins de notre incapacité à être dans le présent.  Facile à dire mais... ,


La transfiguration de Jésus nous rappelle que Dieu  se montre à nous dans l'éblouissement heureux  de notre coeur. Il peut aussi se manifester dans une violente douleur, comme il se montre  dans nos choix de vies bons et fructueux... Mais, Il ne vient pas d'un passé figé, mais d'un avenir, c'est à dire de son présent pour notre avenir.         


Et comme le rappelle st Paul dans l'épître aux Philippiens, " nous sommes citoyens des cieux "  pour par la suite nous encourager à tenir bon " dans le Seigneur " (Ph3,17-4,1)