2013/09/22 - Homélie - 25e dim.ord.

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On ne peut pas servir deux maîtres à la fois, Dieu et Mammon !


Pourquoi ? Parce que chacun d’eux demande la priorité.
C’est comme sur la route, lorsque deux voitures viennent en même temps se disputer la voie commune, croyant avoir la priorité.
On voit bien ce qui se passe, il y a de la casse ou tout au moins de l’énervement.


Entre Dieu et Mammon le combat est donc très rude.
Mammon dans la Bible est comme une divinité. Celle sur laquelle l’on peut compter.
Le mot ‘Mamôn’ vient d’araméen, il veut dire ‘richesse’. C’est la personnification de l’Argent, puissance qui asservit le monde. Pour comprendre le sens du mot, il faut le mettre en relation avec la racine ‘mn : ‘ce qui est sur, sur quoi l’on peut compter, ce qui dure’ (cf, X. Léon-dufour, dictionnaire du NT).


L’on n’est pas loin de Amen, (c’est vrai, c’est ferme), que nous disons à la fin de bien de prières. Mais sur des voies si différentes.


L’on n’a pas besoin d’insister pour comprendre que l’argent est une puissance redoutable. Et que lui dire ‘amen’ est tentant, presque à n’importe quel prix. Au prix de quoi d’ailleurs ? Au prix du reste, lequel n’existe pas si l’on ne mise que sur l’argent. La santé, le bonheur etc., sans parler du bonheur du ciel, tout y passe, passe à la trappe.


C’est une puissance redoutable sur laquelle beaucoup construisent leur vie. C’est une dépendance, comme une autre, et comme dans toutes les dépendances l’objectif de la vie ou de tout ce qui en reste, se réduit à satisfaire le besoin. Mais souvent c’est un peu plus subtil que cela. Cette tendance à se laisser asservir par l’argent peut prendre des formes plus humainement acceptables.


Par exemple en suivant, le principe selon lequel tout s’achète. Ce principe est vieux comme le monde, mais il peut prendre parfois des aspects inattendus, comme dans cette histoire qui se déroule quelque part sur une plage. Une famille, enfants et parents, à la forte tradition scoute, sont en train de ramasser du bois mort pour faire un feu de barbecue. Tout est prêt, alors que des grands ados se trouvant pas loin, viennent avec l’intention d’acheter ce bois, ‘Vous voulez combien ?’
Question très significative, car eux, ils avaient de l’argent, mais avaient aussi la flemme de chercher par eux-même. Et surtout, ils n’avaient aucune idée de ce qu’est le respect des autres et notamment de l’effort des enfants. L’exemple est tout gentil comparé à d’autres situations bien plus trash


Nous avons besoin des moyens matériels pour vivre, mais comme partout, tout est question de priorité. A qui donnons-nous la première place, c’est à dire qui servons-nous, Dieu ou Mammon ?
Servir, car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Service est une dépendance, en d’autres termes de qui dépendons-nous, de Dieu ou de Mammon. Jésus en bon guide spirituel, montre la nécessité de faire un choix.
Bien sûr, nous sommes conscients des enjeux, et nous savons où il faudrait donner de la priorité.


Et puis, tout compte fait nous ne sommes pas si dépendants, tous les gestes de partage, dont nous sommes capables, le prouvent. Il y a peu, quelqu’un faisait remarquer que la communauté catholique de Hong Kong est particulièrement généreuse et ses membres, pris individuellement ou en tant que communauté, soutiennent activement tant de projets d’entre-aide.
Voilà une bonne raison pour se réjouir. Car par ce biais, non seulement de l’aide basique est apportée pour soulager tant soit peu la rudesse de vie de tant d’enfants et d’adultes.
Par ce geste est aussi signifié la véritable valeur de la vie éclairée par la foi, la mise en relation des uns avec les autres, pour dire que l’on existe et que l’on a de la valeur.


Servir Dieu c’est faire le bon usage des biens dont l’on dispose et cela veut dire évidemment s’occuper de besoins matériels de la famille.
Mais puisque tout dans ce bas monde est corruptible, aussi bien les idées, les convictions, que les biens possédés, donc l’attitude à l’égard du matériel aussi, tout comme par ailleurs, l’attitude dans la relation à Dieu.


Le rappel, comme quoi l’on ne peut pas servir à la foi Dieu et Mammon, nous sert d’excellente occasion pour nous arrêter quelques instants sur notre attitude de serviteur à l’égard de Dieu aussi. Pas être esclave de Mammon, ok, mais servir Dieu, comment ?
***


Les deux autres lectures donnent des éléments pour y répondre.


Dans la première, il s’agit de servir Dieu en combattant toute sorte d’injustices, comme la pauvreté etc. le beau programme jusqu’à la fin des temps.


Dans la seconde, et je voudrais m’y arrêter un peu plus longuement, servir Dieu c’est aussi prier pour nos gouvernants. Paul est très audacieux dans sa demande. Je me souviens d’un échange avec mes confrères prêtres, il y en a qui trouvaient impensable de vouloir prier pour les tyrans, comme Néron à l’époque de Paul.
Si Paul demande de prier pour ceux qui nous gouvernent, c’est avant tout en vue de la paix sociale. Le maintien de l’ordre et de la paix sont le premier devoir de tout gouvernement. Mais par de là cette visée immédiate, il y va évidemment de la liberté religieuse.


« J’insiste avant tout pour qu’on fasse de prières de demande, d’intercession et d’action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’état et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener une vie dans le calme, la sécurité, en hommes religieux et sérieux » (1Tm2,1-2)


C’est un texte fondateur de la prière universelle. La prière de l’Eglise est universelle, car elle est pour tous les hommes. Elle est aussi universelle que l’Eglise l’est dans la perspective missionnaire.
Elle répond à la volonté du salut de Dieu qui concerne tous les hommes. Car Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (v.4)


Toute prière universelle donc faite au cours de la messe comme ce soir ou dans d’autres circonstances, se fait par la médiation du Christ « qui s’est donné en rançon pour tous » (v.6)
Médiation veut dire qu’en Christ la relation entre Dieu et l’homme est déjà ouverte, notre prière est comme ces petits instruments médicaux sters qui rouvrent les passages dans les artères, pas encore bien formées ou déjà dangereusement bouchées.


Suivant Paul nous avons donc à prier ‘en levant les mains vers le ciel, saintement, sans colère, ni mauvaises intention’.
Et c’est en cela que réside la force de la foi chrétienne, c’est par là que passe la construction d’un monde plus juste et plus fraternel, construction dont Dieu est la fondation et fin de tout, alpha et Omega, commencement et fin de tout. AMEN