2012/09/10 - Lettre à Yannick

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Lettre à Yannick !



Cher Yannick !


Il y a un an, pratiquement jour pour jour, nous étions ensemble à la collégiale.  Votre dernier geste ce jour-là  était de  porter à la sacristie le gros cierge que nous appelons pascal !  Cierge pascal, Vous l’aviez préalablement éteint et pris sur vos épaules. Vous vous souvenez, certainement ! de quelques mésaventures qui vous  sont arrivées avec ce cierge, comme à tant d’autres. La cire liquide autour de la mèche encore bien chaude menaçait de se répandre à tout moment, lorsque le cierge transporté suivait bon an  mal an le mouvement du corps avec lequel les deux mains tentaient de faire justement  corps. Et lorsque l’accident arriva, avec de la cire toute chaude sur votre veste, ainsi aspergé Vous continuez imperturbablement la descente au cachot. Je ne peux pas dire que je n’étais pas de mèche avec Vous dans ces moments si uniques et cocasses à la fois. Nous rions aux larmes chaudes, mais cette fois-ci  bien que visage ferme et fatigué, vous l’avez transporté sans incident.


 Le cierge pascal, vous l’avez vu tant de fois dans toutes les célébrations du temps pascal justement, mais également lors de baptêmes comme ce dimanche-là, de première communions, de mariages  et bien entendu des funérailles. Certes, lors des  célébrations vous le voyiez dans le petit miroir accroché au-dessus de votre clavier, alors que les autres, ceux d’en bas, l’avaient en face, en directe, en plein figure parfois.  Ce qui, au travers la flamme du cierge pascal n’était qu’une pâle  figure de la lumière céleste, vous la regardiez de dos et portiez éteinte. Ainsi va la vie et votre métier aussi!


Puisque cette lettre est à la fois parole et musique, votre musique, je m’arrête quelques instant pour Vous écouter.



Musique :



Yannick, on sait bien que vous exprimiez si bien par la musique que  les autres moyens de communications  ne pouvaient pas tenir le même rang qu’elle, la musique. Vous-même, pâlissant devant elle, balbutiez des mots de politesse ou d’excuses au sujet d’un mistake ou une embrouille dont ni le rythme ni la mélodie  ne sortaient de la même source que la musique. Eteint, comme le cierge pascal, souvent la cigarette à la place de l’autre lumière, vous avanciez  au rythme de va et vient entre la musique et ce qui ne l’était pas. Comme entre deux respirations, le silence et l’arrêt du mouvement de l’air, la musique était pour vous une vraiE respiration. En fait, pour respirer il faut trois mouvements : inspiration et expiration aux extrémités et puis au milieu ce temps dont on  ne sait pas quoi penser qui est celui de l’arrêt, comme celui de la mort ou peut-être déjà de l‘autre respiration, comme pour vous celle de la musique. Toute spiritualité qui se respecte, élit son domicile et fait sa demeure dans cet entre deux, dans ce temps mort, celui de l’arrêt de la respiration pour devenir le temps de la respiration véritable. Pour vous faire entendre, Yannick vous aviez du coffre et l’orgue avait du souffle ou plutôt l’inverse. Un coffre qui souffle, Vous n’en faisiez qu’un à moins qu’il en ait un troisième, instigateur du coffre et surtout du souffle.  A vos côtés, j’ai un peu senti quelque chose de cela. Mais... j’aurais aimé que vous me donniez d’autres tuyaux pour savoir comment faire travailler l’un au profit de l’autre : avoir du coffre au service du souffle.  Mais assez parler, reprenons tous(t )en choeur  notre souffle, reprenons-le     avec les mains de notre corps au profit du coeur qui écoute.       


Musique



Yannick !
Aujourd’hui un an après que ton corps, ton cœur se sont arrêtés, je ne peux toujours pas me résoudre à l’idée que ton écoute ce SOIT (fut )aussi arrêté. Aujourd’hui donc, puisque tu entends,  je te dis les mots d’une( à) peine rassérénée, à cause de ton départ, amitié, pas seulement en mon propre nom, avec une voix comme si elle-même venait d’un autre ailleurs, mais aussi au nom de tous ceux qui sont là, et désirent   t’écouter dans la musique. Ecouter sans être lyrique et tout en essayant d’oublier d’avoir sonné le glas pour toi !