2011/01/02 - Concert-méditation - Haïti

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I. Métissés.

 

Comme les noirs d'Afrique se mélangent avec les Blancs d'Europe,
Les chrétiens absorbent les rites vaudou qui se sur-impriment sur le rite chrétien.
Et ceci ne se pratique pas seulement en Haïti  et ceci ne se pratique pas seulement sous cette forme, mais sous bien d'autres formes aussi :  
Parfois mélangés, souvent distincts, à d'autres moments en opposition ouverte et toujours en tension.

 

Haïti est proclamé indépendant le 1 janvier 1804, quelques mois plus tard en France dans des circonstances troublantes est fusillé le duc d'Enghien, le dernier des Condé, le jour même de la proclamation par Napoléon du code civil.
En 1825, la France reconnaît Haïti indépendant. 

 

Mais avant 1804,  le gouverneur Toussaint Louverture crée une sorte d'état associé (ni séparation ni fédération). Napoléon envoie 76 vaisseaux avec plus 20 000 hommes pour stopper la dérive. Les mulâtres, descendants de blancs, s'associent aux noirs rejoints par des légionnaires polonais qui faisaient partie du corps expéditionnaire. Parmi ces derniers, la troisième demi-brigade  d'Italie du Général Dabrowski, le même, qui marchait 'de la terre italienne en Pologne' selon les paroles de l'hymne national polonais.  Après l'indépendance  plusieurs milliers de soldats polonais s'établissent au sud de l'île devenant citoyens et propriétaires.

 

Au début du XX siècle, lors de la domination américaine, le chef militaire Wirkus est  envoyé en Haïti pour pacifier les conflits incessants, mais les habitants, en apprenant qu'il est d'origine polonaise, le proclame roi.  Etonnante rencontre de cultures et d'intérêts où l'envie d'être libre politiquement et socialement dépasse les frontières. Ce si loin dans la pensée et donc dans le temps.

 

II.  Quand tout s'écroule.

 

Dans le tremblement de terre le 12 janvier 2010, trois bâtiments symboles s'écroulent : l'ONU, la Cathédrale, le palais présidentiel.

 

Les prêtres vaudou cessent la pratique vaudou pour ne pas, comme dit l'un d'eux " interférer le travail de Dieu " ;
et comme dit un autre " il faut d'abord se tourner vers Dieu pour tout ce dont on a besoin ".

 

Vaudou ou pas, il y a quelqu'un qui est bien au-dessus  de nos têtes et que l'on peut pas manipuler, juste espérer  d'avoir ce dont on a besoin.  Mais est-ce que ce quelqu'un, ce dieu-là  a en sa possession la même échelle de valeurs que ceux qui l'implorent ?  Il va falloir y voir de plus près. 

 

III. Le travail d'esprit.

 

La littérature haïtienne " au bouche à bouche avec l'histoire ".  Elle puise dans les influences françaises, anglaises, américaines et dans les traditions africaines. Mais c'est grâce à la poésie qu'elle trouve ses quartiers de noblesse.

 

En voici un exemple.

 

Bouche de clarté  -  René Depestre né en 1926

 

Ma bouche folle de systèmes
Folle d'aventures
Place des balises
Aux virages les plus dangereux.

 

Ma bouche noire de détresse
Noire de culture
Noire de nuit très noire
Boit son bol de clartés.

 

Ma bouche enceinte de chansons
Enceinte de baisers
Et de mes premiers cris d'enfant
Ma bouche tient des propos
Qui scient la lune en deux.

 

Ma bouche de poète
Pleine de présages
Dit aux humains
La peine d'un monde
Qui s'ouvre les veines.

 

  ***

 

A l'époque américaine on constate la naissance d'un mouvement indigéniste invitant les écrivains à cesser d'être posticheurs ('Ainsi parla l'Oncle' 1928). Le créole prend toute sa place.
 Le créole est donc une langue pour survivre, alors que 'le français ne suffit pas pour nous régaler' ; le dialogue entre les deux est-il possible ? Les intellectuels de la  diaspora s'interrogent ('j'ai quitté là-bas, mais je ne suis pas encore ici') : un haïtien ne vivant pas  dans son pays et n'écrivant pas  sur Haïti fait-il partie de la littérature haïtienne ? Tout en étant très importante du point de vue de l'identité culturelle, la question peut paraître cependant superflue du point de vue de la foi. La foi en effet n'est ni haïtienne, ni française ou encore polonaise, et  même si elle a besoin  d'une culture donnée, elle exprime toujours cette même réalité de la transcendance à la quelle elle confie 'la peine d'un monde qui s'ouvre les veines'. 

 

C'est aussi cela l'Epiphanie.