2016/12 - Réflexion sur la reconnaissance

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La seule chose bien sociale, digne de l’être humain, est la reconnaissance. Pas celle dont même les animaux sont capables car pleins d’affection. Mais celle qui se donne librement parce que l’autre est l’autre et toutes deux viennent d’un tout autre. Le reste chosifie l’humain. Or, la reconnaissance va en profondeur de ce que qu’est l’être humain. 

La reconnaissance est nécessaire pour vivre et se développer en société. L’enfant reconnait son père et sa mère, puis sa place dans la fratrie et la famille élargie avant de pouvoir le faire vraiment dans la communauté humaine. Les adultes et leurs pairs en sont des facilitateurs. Dans le mot reconnaissance il y a deux sens : Je suis reconnu, sens passif ; je reconnais, sens actif. 

Jésus reconnaît la dignité humaine, sociale des lépreux. Eux, ils sont reconnus comme tels. Ils ‘subissent’ un effet positif sur eux d’une action accomplie par Jésus. Mais dans cette passiveté, ils n’y sont pour rien. Car Jésus le fait par pur amour, par miséricorde. Dans ce geste il les appelle à devenir des acteurs. On s’imagine que de toutes les façons, ils avaient toujours le désir d’être guéris. C’était leur propre action, bien présente en eux, mais pourtant si bien cachée. Il aura fallu une occasion bien extraordinaire pour que tout ceci se révèle. Il aura le passage de Jésus qui a posé sur eux un regard plein d’amour. Un regard qui appelle à la vie, à une vie plénière, bien au-delà de ce que l’on peut s’imaginer et ce que Dieu seul peut donner. 

Nous vivons avec ces deux forces, une passive, l’autre active qui sont en nous et qui cherchent chacune à sa façon de la reconnaissance. Nous avons besoin d’être reconnus pour reconnaître. Nous étions appelés à la vie humaine et spirituelle. Et dans ces deux dimensions est caché le désir d’être reconnu à être quelqu’un de plus grand que ce que nous sommes à nos yeux ou aux yeux des autres. Et pour passer de cet appel caché à la reconnaissance active, il nous faut parfois passer par le pardon. Jésus n’a pas seulement guéri le dix lépreux pour les remettre aux structures sociales, où ils trouveraient leur place bien légitime. Il les restitue dans leur dignité plénière, c’est-à-dire comme enfants de Dieu. Cette restitution passe par la reconnaissance de la plaie. La lèpre est assimilée au péché visible, à la  tache qui fait que l’image d’enfant de Dieu n’est pas nette, que la vie de Dieu n’est pas fluide. Pour chercher à être une image parfaite et une vie parfaite nous avons toute une vie sur terre. Mais c’est seulement une fois entrés dans l’éternité, après notre mort, que nous obtiendrons cette perfection que nous cherchons tant ici-bas. Mais pour que notre chemin soit authentique recherche de perfection, il nous faut désirer être guéris comme tant de lépreux secrètement le font. Ce désir passe par la reconnaissance de la condition pécheresse. C’est dans la pauvreté d’un pécheur qui se reconnait comme tel, que Dieu, paradoxalement, accomplit son œuvre de salut. 

Nous pouvons être déçus de nous-mêmes, désabusés de nous-mêmes, désespérés de nos vies, je n’arriverais jamais à enlever cette grosse tache de la lèpre spirituelle (addiction, trait de caractère qui rend la vie de mon entourage invivable, une négligence dans le respect de la justice dans le rapport aux autres qui fait de nous des tyrans…) C’est au cœur de mon impuissance (de ma part) que je peux recevoir  de l’aide de la part de Dieu, qui, Lui, peut tout. Il ne va pas forcement, voire pas du tout enlever les traits de caractère ou la faiblesse, mais il va y construire sa vie, à partir de cela. Il va construire à partir de ce que je lui permettrai. Il peut le faire parce que je reconnais ma faiblesse devant lui et son action qui ne sera pas spectaculaire, comme la guérison des lépreux a pu l’être, mais elle sera tout aussi efficace, insérée dans le temps. Le temps que dure le labeur de la progression spirituelle.