2008/01/24 - Rencontre œcuménique - SEPTIEME JOUR COMME LIMITE A LA DOMINATION

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Rencontre d'Enghien, le 24 janvier 2008

Intervention du Père Rémy dans les cadres de la soirée organisée par le groupe « Rencontres inter-Eglises de la Vallée de Montmorency », à l’occasion de la semaine de prière pour l’unité de chrétiens sur le thème:

Face aux défis écologiques, saurons-nous « Déplacer les montagnes »
Partage biblique oecuménique

 

I. Citation :

Gn 2, 1-4
1° Le ciel, la terre et tous les éléments furent achevés.
2°Dieu acheva au septième jour, l’œuvre qu’il avait faite,
il arrêta le septième jour toute l’œuvre qu’il faisait.
3° Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait crée par son action.
4° Telle est la naissance du ciel et de la terre lors de leur création.

 

II. Auteur et nature du texte.

Récit sacerdotal, écrit par un prêtre de l’époque d’exil en Babylone (580-538). Sa ligne d’horizon est fixée par la construction du « tabernacle » au désert et l’institution du sacerdoce, prototype du temple et du sacerdoce qu’il faudrait reconstruire après l’exil.

 

III. Septième jour : que se passe-t-il ?

Trois choses :

Dieu acheva au septième jour


Dieu arrêta au septième jour


Dieu bénit le septième jour

 

1. Dieu acheva au septième jour

la création est achevée, ce qui veut dire qu’elle est terminée, mais en quelle sens, qu’il n’ait plus rien à faire ? Et si il y a à faire quoi : est-ce seulement pour les réparations d’entretien ? et par qui ?

L’achèvement de l’œuvre fait partie de l’œuvre de Dieu, Dieu y est toujours en action de créer. Certaines versions de la Bible au lieu de parler du septième jour ont mis le sixième pour éviter de laisser supposer un travail de Dieu le jour du Sabbat, ce qu’a pu suggéré le texte hébreu. Le sabbat était d’abord une fête mensuelle, lié au calendrier lunaire. Pendant l’exil, il reçoit une nouvelle signification et marque le jour de relâche hebdomadaire, consacré au repos et au culte de Dieu d’Israël. D’où l’horizon du texte fixé par la construction d’un tel lieu de culte, le ‘tabernacle », et l’institution du sacerdoce qui aura pour but de veiller sur le culte.

Avec « Dieu acheva le septième jour » un arrêt de quelque chose de Dieu est signifié et l’homme croyant a à le prendre en compte.


2. Dieu arrêta au septième jour

(et plus loin « Car il avait alors arrêté toute l’œuvre qu’il avait créée lui-même par son action »).

Qu’est-ce que Dieu arrête. On ne le sait pas trop ? Car la création continue à se développer grâce à l’impulsion donnée par lui et sans cette impulsion, croit-on, elle ne serait plus rien. On revanche l’on sait pourquoi il le fait. Avec la création de l’homme à son image, Dieu a tout créé, tout ce qui était nécessaire pour que l’homme y soit bien, ce que signifie la dernière phrase : « Dieu bénit le septième jour ». Mais diable !, pourquoi arrête-il ? Iil aurait pu continuer la création de manière un peu plus active ! Car, en fait, elle donne l’impression d’une œuvre inachevée…

Qui d’entre nous en effet n’a pas pensé à se caractère inachevée de la création et de l’homme ? N’en parlons pas ? ! L’expérience que nous en faisons semble désavouer ce que la Bible nous dit. Qu’est-ce qu’elle dit, elle dit une relation, relation qui se crée, qui se noue entre la création et le créateur. Alors que, qui d’entre nous n’a pas envi de voir tout cela (l’univers et la relation) dans la perfection telle que nous les humains nous l’imaginons ?

Mais, même si il aurait été tout à fait légitime voir indispensable de poursuivre sur cette lancée pour bien comprendre le sens de l’arrêt, que par ailleurs, on a souvent pris pour repos d’un Dieu fatigué par la création, cependant ne nous éloignons pas du sujet.

Nous sommes au cœur de cette méditation sur la limite à la domination. Dieu ne veut pas dominer l’univers seul, au sens d’y régner en maître absolu. Il y convie l’homme, crée à son image, pour que ensemble, ils continuent l’œuvre de la création. Ensemble dans une situation d’altérité. Altérité et création, deux mots clés pour comprendre ce qui se joue ce sacré septième jour de la création. Avec le septième jour démarre l’altérité, et pourtant la création continue. Quoi de plus naturel, puisque c’est pour ce septième jour, celui de l’altérité, que l’homme a été créé, créé à l’image de Dieu.

Que veut dire donc altérité dans cette œuvre de création ? Création, qui, tout en se continuant, est, d’une manière toute à fait nouvelle, marquée par cette altérité ? Que veut-elle dire sinon une relation de liberté. En l’homme, Dieu se trouva sur terre un allié avec qui poursuivre son œuvre, œuvre qui trouvera tout son accomplissement, toute sa plénitude en Jésus –Christ. Jésus-Christ qui veut dire, à l’homme et à la création entière, toute la beauté que Dieu lui désire et à laquelle toute entière, elle, la création avec l’homme en tête, aspire.


3. Dieu bénit le septième jour

Dieu arrêta au septième jour, mais il ne s’arrêta pas lui-même. Bénir veut dire, « dire du bien ». Il n’a pas seulement vu que cela a été bon, mais il l’a bénit. Il a bénit tout le septième jour, jour de l’homme, jour de l’humanité qui tout au long de son histoire, tout en découvrant les richesses de l’univers, elle est capable d’en prendre soin comme une mère prend soin de son enfant. Qui peut oublier une grandeur pareille, qui peut nier une dignité à l’image de Dieu.

Altérité démarre au septième jour de la création, et avec altérité la liberté. Et l’homme, ainsi marquée d’une emprunte indélébile car créé à l’image de Dieu, porte en lui cette bénédiction et en rayonne avec courage et bonheur. C’est ce septième jour-là qui est bénit de Dieu, jour de liberté exercée en harmonie d’altérité pour que la création, l’œuvre de Dieu, continue.
Et ce jour-là, est un jour de naissance.

Le jour où l’homme responsable comprend sa grandeur et celle de la création. Le jour, où l’homme qui reçoit la bénédiction accueille avec joie le devoir de limiter sa domination pour être dans la relation d’altérité libre et donc responsable, l’altérité entre lui et Dieu, la seule, qui donne vraiment à vivre.

C’est grâce à l’altérité que le mystérieux accomplissement signifié par la symbolique du septième jour est à l’œuvre. Cet accomplissement se réalise en Jésus-Christ en qui tout a été créé (Col. 1,16). La bénédiction du septième jour prend alors tout son sens. La théologie de la création et la théologie du salut sont inséparable. Mais c’est une autre histoire.